La partition de la Belgique… encore une histoire belge ?

Belgique, le difficile partage par Cricou

J’aime bien suivre les pérégrinations de nos voisins outre-quiévrain qui semblent, à chaque élection législative, vouloir battre le record de jours sans gouvernement.  À chaque occasion, on nous ressort l’éternel scénario de la partition de la Belgique. On nous rappelle que les Flamands sont des salauds séparatistes qui veulent tirer la couverture à eux. Nous, Français un peu nationalistes, on parle en mots à peine couverts de rattacher la Wallonie à la France. Les acteurs changent, les Flamands changent de nom, et le méchant est la NVA plutôt que le Vlaams Belang. Jusqu’ici, rien de nouveau sous le soleil.

Cela dit, j’ai quand même l’impression qu’à chaque épisode du feuilleton, on y croit tous un peu plus, Belges ou Français. L’impression quece sentiment se généralise, et que l’on suit un schéma psychologique qui me rappelle un peu celui du déclenchement d’une guerre dont personne ne veut.

Tout d’abord, le méchant Flamand a changé de nom. De visage, aussi. Lorsque j’ai commencé à m’intéresser à la Belgique, c’était en 2006 avec le triomphe électoral du Vlaams Belang. Cela dit, entre le Vlaams Belang et la NVA, il y a un fossé idéologique : le premier prône des politiques qui feraient passer les militants du Front national pour des bisounours, alors que la NVA ressemble bien davantage à un parti de droite traditionnelle. Et ne nous y trompons pas : les médias ont bien saisi la nuance. Le visage du Flamand est passé d’un « connard raciste ultraconservateur » à un séparatiste tout ce qu’il y a de plus respectable. Certes, certains veulent encore nous parler des extrémistes, mais globalement, le séparatisme a gagné en respectabilité , ce n’est plus un désir d’affreux jojos. Le séparatisme a, avec le temps, gagné la bataille idéologique, signe que quelque chose bouge. Rendez-vous compte, même les francophones, nos frères, s’y mettent, c’est dire !

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Cette remarque m’amène à l’idée du schéma psychologique que j’ai évoqué plus tôt. En effet, la partition est, comme la guerre, un scénario de dernier recours aux conséquences graves et irréversibles. Il a évidemment ses ardents partisans, les extrémistes dont nous avons parlé plus haut. Leur importance dans le cas présent est toutefois marginale. Ce qui fait pencher la balance ici est la majorité qui considère ce schéma comme un scénario possible, à utiliser cependant en dernier ressort. La part non négligeable qui le refuse totalement (les pacifistes dans le cas d’une guerre) est un indicateur de la probabilité de l’évènement. Lorsque je parlais de gagner la bataille idéologique, c’est bien le fait de faire passer nos « pacifistes » du côté de ceux qui envisagent le scénario. Et de crise gouvernementale en crise gouvernementale, il apparaît clairement que c’est ce qu’il se passe.

L’opinion publique préparée à l’éventualité, il reste à voir ce qui se passe au plus haut niveau, celui des décideurs, négociateurs chevronnés, que l’on parle de relations internationales ou de parlementarisme belge. Ici, on suit très exactement le chemin qui risque de mener à une sécession. Le plus fort des protagonistes,  la Flandre en l’occurrence, commence à évoquer la possibilité et à multiplier les provocations. Le protagoniste faible, qui n’a aucun intérêt à faire dans la surenchère, doit d’abord faire des concessions et faire profil bas. On est en 2007, lorsque l’on prend conscience que le séparatisme est l’opinion dominante chez les Flamands. Le personnage principal de l’intrigue est Yves Leterme. C’est bon pour cette fois, disent les francophones, mais ils s’arment pour ne pas avoir à faire de concessions une prochaine fois. Cette prochaine fois, on est en plein dedans. Et cette fois-là, les Flamands se heurtent à une résistance : contre toute attente, les francophones n’ont pas fait de concessions et ont répondu « chiche ! » à leurs provocations. Un partout, balle au centre. Mais quand cela se reproduira à nouveau, cela ne se passera pas comme ça, les esprits sont déjà échaudés, et chacun dira que c’est à l’autre de calmer le jeu. Et chacun partira tête baissée, persuadé que c’est l’autre qui a provoqué ce que personne et tout le monde voulait et l’explosion de la Belgique en deux morceaux deviendra une réalité concrète.

Alors bien sûr, on me répondra qu’il reste quand même un certain nombre de détails à régler qui ont une certaine importance et qui compliquent quelque peu la chose. Citons pêle-mêle : Que fera le roi et quel côté choisira-t-il ?? À qui va l’arrondissement BHV (Bruxelles-Hal-Vilvoorde) ? Comment partage-t-on la dette publique ? Que fait-on des germanophones ? Que devient l’Etat-membre Belgique porteur des institutions au sein de l’UE ?  Rattache-t-on la Wallonie à la France, voire la Flandre aux Pays-Bas ? Et j’en oublie… Mais à mon avis, maintenant que le scénario de la partition est envisagé des deux côtés, des réponses équilibrées émergeront peu à peu. Peut-être le modèle confédéral que prône la NVA contenterait-il tout le monde, qui sait…

Je prends les paris : aux prochaines élections, à la prochaine crise, il se passera quelque chose que nous ne sommes pas près d’oublier !

Adrien Vicente- Sciences Po Aix ((L’opinion développée n’engage que son auteur et non pas la rédaction.))

IEP Mag remercie l’auteur de la tasse en photo d’avoir si gentiment accepté l’utilisation de cette image, retrouvez-le à http://www.cricou.be/FR/cricou.htm



2 commentaires

  1. Guillaume dit :

    Très bien, très bien.
    Mais tu ne nous dis pas vraiment pourquoi tu te poses en défenseur de l’union belge. Pourquoi tiens-tu tellement à ce que la Belgique demeure un Etat fédéral ?

  2. Adrien dit :

    Ah, mais je ne me pose pas en défenseur de l’union belge ! En bon français républicain, j’ai une tendance à rejeter les régionalismes ; mais pour le coup, même si apparemment cela transparaît, je prétends davantage faire une analyse que donner mon avis sur la direction à emprunter. Ca, c’est aux Belges de le faire. 🙂


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