Music for one movie and six dreamers

Parce qu’il faut faire de temps à autres une pause avec la politique, IEP Mag vous présente aujourd’hui Sound Of Noise, comédie criminelle franco-suédoise totalement déjantée mais hélas peu connue. Rendons-lui justice et à vos écrans !

L’action commence ainsi. Un van blanc fonce à toute allure dans les faubourgs d’une ville nordique. Le chauffard brûle les feux rouges, affole les compteurs et fait tourner en bourrique la patrouille de police qui le poursuit. À l’intérieur du van, les deux occupants sont en pleine transe. Tandis que Sanna conduit, Magnus joue un air démentiel de batterie à l’arrière. Finalement, le véhicule se crashe contre un mur, immobilisé. Seul un métronome posé sur le tableau de bord fonctionne encore.

Alors qu’un essaim de badauds s’amasse autour de la carcasse fumante du van, les deux hurluberlus s’enfuient subrepticement au nez et à la barbe de la police criminelle, qui est en train d’inspecter le véhicule, confondant le bruit du métronome avec celui d’une bombe. Magnus et Sanna sont heureux, ils ont réussi leur morceau. Car les deux comparses ont une conception bien à eux de l’art. On comprend très vite qu’ils exècrent le conformisme artistique et qu’ils souhaitent exprimer leur génie artistique de manière excentrique, peu importe le lieu et la manière. Cependant, Magnus et Sanna se rendent vite compte que les oeuvres qu’ils exécutent ne sont pas à la hauteur des ambitions qu’ils nourrissent. Ils ont en effet composé une symphonie  urbaine, en plusieurs mouvements, nommée « Music for One City and six drummers ».

Symphonie  urbaine en plusieurs mouvements, Music for One City and six drummers

Après avoir recruté quatre batteurs complètement fous, ils vont entamer la symphonie. Une symphonie qui les emmènera dans des endroits aussi fades qu’un hôpital, une banque ou une centrale électrique. Partout, une même obsession, égayer la morne quiétude en jouant un morceau avec les moyens du bord. C’est là que se situe tout le génie de Sound of Noise. A partir d’ustensiles du quotidien, les cinéastes parviennent à mettre en scène des musiques à la fois prenantes et originales, des rythmiques endiablées qui ne peuvent qu’ébahir les amateurs de musique. Ce concept développé dans un court-métrage intitulé « Music for One appartement and Six Drummers », passe admirablement bien en long métrage, pour donner une petite merveille pleine de bruit et de musique.

Mais pas besoin d’être un mélomane accompli pour apprécier le film suédois, parce qu’en chaque « morceau », le scénario divertit, tant par ses situations rocambolesques que par son humour absurde et dévastateur. Celui-ci vous poursuit d’un bout à l’autre du film, laissant peu de temps à vos abdos pour se reposer. Comme, en plus, tout cela regorge d’une imagination fraîche et débordante, inutile de dire que l’on passe un très bon moment. Pour les plus avides de sens, on peut même y deviner une critique de la rigidité des codes sociaux et, une nouvelle fois, du conformisme ambiant. Ce conformisme est clairement incarné dans le film par le classicisme musical. Tandis que les six saltimbanques se délectent à faire des pieds de nez à la musique classique en venant saboter un concert à l’Opéra, le commissaire chargé de les traquer, Amadeus Warnebring, se trouve être justement le frère du célébrissime chef d’orchestre qui dirige le concert. Ironie du sort, Amadeus, né dans une famille de musiciens virtuoses, a développé un rejet épidermique de la musique en général, et voue un  culte au silence. C’est vous dire si traquer des « terroristes musicaux » ne sera pas pour lui de tout repos…

Sound of Noise, au-delà de l’ode à la musique « libre », c’est l’apologie de l’art, du vrai

Sound of Noise, au-delà de l’ode à la musique « libre », c’est l’apologie de l’art, du vrai. Celui qui est sans règles et sans limites, qui ne se laisse enfermer par rien ni personne, qui ne s’enseigne pas mais qui se ressent. Peu importent public, critiques et autres, c’est à lui seul que les originaux mis en scène par le film rendent des comptes. On est charmé par cet hommage à l’art véritable, qui ne se reconnaît que dans les sensations, sans pour autant toujours laisser de côté la réflexion.

Délirant, drôle, irrévérencieux, toujours juste, ce véritable OFNI (Objet Filmé non identifié), méritait sans doute beaucoup mieux que ses quelques semaines d’exploitation françaises. Nous vous conseillons en tout cas très chaleureusement cette perle du genre que les cinéphiles qualifient de « feel-good movie ».

paru dans Controverses -Guillaume Compain et Vincent Leconte- Sciences Po Aix



3 commentaires

  1. […] Paru à l’origine dans Controverses, journal d’opinions puis sur IEP Mag.com. […]


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