Regards croisés sur l’Euro

Deux étudiants de Sciences Po Aix, publiés dans le journal Controverses, nous livrent deux analyses diamétralement opposées de la situation de la monnaie unique, de fédéralisme à euthanasie d’une « monnaie mourante ».

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EURO, EUROPE : LA SOLUTION EST FÉDÉRALE.

En tant que citoyen français et européen, la fin de l’euro signifierait pour moi la fin de l’Europe, ou, en tous cas, le plus gros recul politique de l’Union européenne depuis sa création.

La question de la monnaie unique n’est pas seulement économique. Elle est aussi et surtout politique. Voulons-nous construire l’Europe ensemble? Préférons-nous plutôt nous séparer et poursuivre notre chemin chacun de notre côté en renonçant, à terme, à la puissance d’une Europe unie ? Aujourd’hui, l’échelle européenne est la mieux à même de nous donner ce poids démographique, économique et surtout politique.

L’euro n’est pas seulement un outil économique en difficulté. Il est un objet politique qui fait désormais partie des fondements de l’Union européenne. Associé au poids européen en matière économique, démographique et politique (que l’Europe peut développer), cet objet politique est une chance. Une chance de renouveau et de changement au sein du “vieux continent”. Parce que l’euro représente la volonté commune de dix-sept pays de travailler ensemble pour un objectif qui doit être commun. Et quel poids auraient des pays séparés dans un monde globalisé, où l’intérêt de chacun mettrait à bas l’intérêt général européen et tout espoir de prospérité? Comment s’en sortiraient les États reprenant leurs monnaies nationales? Entraînant la pire récession jamais enregistrée, une sortie de la zone euro déclencherait une augmentation exponentielle de la dette qui, elle, ne changerait pas de devise.

“SI LA RÉDUCTION DES DÉFICITS PUBLICS EST UNE NÉCESSITÉ, CE N’EST PAS PAR LA RIGUEUR STUPIDE QU’ELLE DOIT SE FAIRE”

Les problèmes de l’euro ne peuvent être réglés par le seul couple franco-allemand, et les leaders économiques européens ne devraient pouvoir présenter de mauvais diagnostics, ni imposer de mauvaises solutions. Si la réduction des déficits publics est une nécessité, ce n’est pas par la rigueur stupide qu’elle doit se faire. En effet, l’austérité plombe la consommation, ce qui ralentit la croissance voire mène à la récession. Cette dernière augmente à son tour la dette, générant une dépréciation encore plus grande de l’euro.

“PERMETTRE L’ÉMERGENCE D’UNE EUROPE FÉDÉRALE”

La question de l’euro est profondément idéologique et politique. Elle nécessite un changement de fond dans l’action européenne, la démocratisation des institutions de l’Union, une Europe au service des peuples et non plus au service d’un système devenu fou. Ce changement doit advenir et permettre l’émergence d’une Europe fédérale. En 2012, l’espoir européen doit faire en sorte de construire cette nouvelle Europe.

Mathieu Vaas – Sciences Po Aix – Controverses.

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L’EURO, UNE DÉFAITE PRÉVISIBLE

Les plans de sauvetages se succèdent et échouent tous. Combien de temps faudra-t-il aux politiques pour se rendre compte que cette monnaie n’est qu’un mourant que l’on a branché à des machines pour être maintenu en vie?

Dès sa conception, l’euro était voué à la mort. Car l’euro est une maison mal construite, sur des fondations pourries, en zone inondable.

Emmanuel Todd le disait : « Avec l’euro fou, les Européens utilisent leur puissance pour se torturer ! ». Monnaie bien trop chère, l’euro fait fuir nos industriels qui délocalisent  aux États-Unis, en Europe de l’Est ou en Chine. De surcroît, la BCE fait preuve d’un monétarisme absurde: elle a relevé  les taux d’intérêt au printemps 2011 comme elle l’avait fait à l’été 2008 , alors que toutes les autres banques centrales pratiquaient des politiques plus accommodantes et appropriées à la situation actuelle. Enfin, l’article 123 du traité de Lisbonne l’empêche de monétiser. Cela aurait permis de maintenir à flot les pays, comme la Grèce, durement touchés par la crise.

“QUE L’ON AILLE PAS NOUS FAIRE CROIRE […] QUE L’EURO NOUS PROTÈGE!”

Ensuite, l’euro est construit avec des fondations pourries sur une zone inondable car l’Europe est soumise au libre-échange, ainsi qu’aux soubresauts de l’économie. Alors que nous importons de Chine ou de Corée, nos produits ne sont pas en retour achetés par ces pays qui, eux, font du protectionnisme. De plus, nous sommes vulnérables à toutes les crises financières, à défaut de barrières douanières nous protégeant. Des barrières qui auraient atténué l’impact de la crise américaine des subprimes. Or, nous avons subi une crise aussi dure que celle que les Etats-Unis traversent. Que l’on n’aille pas nous faire croire après cela que l’euro nous protège ! A-t-on déjà vu dans l’Histoire une zone monétaire regroupant plusieurs pays ? Non. L’union monétaire est une construction baroque et pleine de dysfonctionnements. Dans la théorie économique, pour partager une même monnaie, il faut avoir une mobilité des travailleurs, un budget commun et une convergence économique de la zone. La zone euro ne rassemble aucun des trois critères. Au lieu de favoriser la convergence, l’euro accentue les disparités régionales: l’Allemagne attire toute l’industrie et ne laisse rien à la périphérie.

La question de l’euro n’est pas idéologique, c’est une question de bon sens que les “euro-béats” qui nous gouvernent ne comprennent pas. En 2012, la parole nous sera donnée et nous devrons faire en sorte que cette monnaie soit euthanasiée pour que les peuples puissent enfin respirer.

Rémy Durrieu de Madron – Sciences Po Aix – Controverses.


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