L’élection du gouverneur de Tokyo avait valeur de test national. Trois ans après Fukushima, les électeurs ont choisi le candidat conservateur et ancien ministre de la santé et du travail Masuzoe Yoichi. Dans un vote focalisé sur les questions énergétiques et le nucléaire, les tokyoïtes ont décidé de faire confiance au candidat du gouvernement actuel. Mais si Masuzoe n’est pas un farouche militant anti-nucléaire, il défend pourtant une politique verte.
Un scrutin à valeur de test pour le gouvernement japonais
Le gouverneur de Tokyo est l’un des politiciens les plus importants du Japon. A la tête d’une agglomération de 32 millions d’habitants, le cœur économique de l’archipel, il dispose de larges prérogatives en matière d’économie et de services publics. C’est dire si le gouvernement désirait ardemment gagner cette élection. Car depuis peu, le gouverneur de Tokyo a acquis de nouvelles compétences. En effet, suite à l’accident nucléaire de Fukushima, le gouvernement central a décidé de nationaliser Tokyo Electric Power (TEPCO), en confiant la majeure partie de ses actions à la préfecture. Le gouverneur est, de facto, l’homme qui décide de l’avenir de TEPCO. Il était donc vital pour le Premier ministre que ce gouverneur reste en ligne avec sa politique nationale de relance progressive des réacteurs nucléaires. Les électeurs ont validé cette stratégie, tout en confirmant leur souhait de sortir du nucléaire à horizon 2030. Un an après son retour au pouvoir, Abe Shinzo parvient effectivement à garder la confiance des électeurs de la capitale japonaise. Ce scrutin a prouvé l’acceptation populaire de sa stratégie économique.
La dispersion du front anti-nucléaire
Abe Shinzo était inquiet. L’opposition organisait une véritable mobilisation autour de l’enjeu nucléaire. Le challenger le plus sérieux fut Hosokawa Mohirino, un ancien premier ministre de gauche. Celui-ci a brièvement gouverné le Japon de 1993 à 1994, à la tête d’une coalition hétéroclite qui priva temporairement les conservateurs du pouvoir qu’ils occupaient sans alternance depuis 1955. Le ralliement surprise de Koizumi Junichiro, ancien premier ministre conservateur devenu anti-nucléaire, a suscité de grandes craintes au sein du gouvernement. Shinzo Abe redoutait que cette union ne fasse basculer le scrutin contre son candidat. Mais vingt ans après, à 76 ans, Hosokawa a perdu de son aura. D’autres candidats militaient également pour la même cause, comme le candidat du parti communiste et célèbre avocat Utsunomiya Kenji. Cela a provoqué une dispersion de voix. Au total, ce sont 15 candidats qui ont affronté sans succès Yoichi Masuzoe.
Les problématiques économiques et sociales au cœur des préoccupations des tokyoïtes
Les leçons du scrutin sont nombreuses. L’abstention forte, alimentée par la tempête de neige qui cloue des milliers d’habitants chez eux, associée à la dispersion des voix a permis l’élection d’un candidat conservateur. Le sondage à la sortie des urnes fait par la télévision publique NHK a montré que les électeurs ont été principalement motivés par les questions économiques et sociales. Après quinze ans de déflation, la population souhaite voir la machine économique repartir. Mais le rôle du gouverneur sera aussi d’organiser les Jeux Olympiques de 2020, symbole d’un retour du Japon sur la scène internationale après deux décennies économiques de marasme. C’est vers ce symbole que les électeurs semblent s’être tournés. Masuzoe Yoichi a d’ailleurs annoncé se rendre à la cérémonie de clôture des Jeux de Sotchi le 23 février, pour montrer son engagement à mener à bien le plus grand projet international du Japon.
Un vainqueur plus vert qu’il n’y paraît
Si les antinucléaires ont perdu en apparence, leur discours gagne en importance. A peine élu, Masuzoe Yoichi a déclaré souhaiter réduire la part du nucléaire dans la consommation électrique de Tokyo et soutenir les énergies renouvelables. Le 17 février, il a lancé un plan d’investissement public-privé de 10 milliards de Yen (80 millions d’euros) dans les énergies renouvelables, confirmant son engagement d’atteindre 20% d’énergies renouvelables à Tokyo en 2020. Malgré son positionnement politique à droite, il confirme bien la tendance de son parti à reconsidérer sérieusement l’option nucléaire et à investir vigoureusement dans les énergies renouvelables. A lui de réussir la synthèse entre relance économique, transition énergétique et jeux olympiques.
Matthias Bardon, diplômé de l’IEP de Paris –
Crédit photo : Taro Tokyo
]]>Les relations entre les maisons de disque et les artistes ou les groupes sont parfois tumultueuses ; Dernièrement, 30 Seconds To Mars a décidé de faire connaître les coulisses du système de financement. Le groupe de Rock mondialement connu, qui vient de sortir un nouveau single intitulé »Love Lust Faith+Dreams » et de remporter la meilleure vidéo Rock de l’année aux MTV Awards s’est vu réclamé 30 millions de dollars par son label (Virgin) EMI, pour une rupture de contrat dite abusive. Alors qu’ils étaient en plein enregistrement de leur nouvel album, le leader du groupe Jared Leto ((Jared Leto est un artiste engagé dans les causes environnementales et humanitaires. Démocrate, il a soutenu Obama lors de la dernière campagne présidentielle en organisant une collecte de fonds. En dehors de son groupe, Jared Leto est aussi un acteur accompli qui a joué dans de nombreux illustres films dont Requiem For a Dream de Darren Aronofski, Fight Club ou bien Lord Of War. D’ailleurs, il va très prochainement refaire son apparition sur le grand écran avec le film ‘’Dallas Buyers Club’’.)), a eu l’idée de réaliser un documentaire pour éclairer le monde de l’industrie musicale et ses travers.
Ce long-métrage, intitulé Artifact nous apprend quelles sont les différentes étapes de la création d’un album avec un label et nous apporte des informations précises sur la commercialisation de celui-ci, en soit ce que touche l’artiste, de la réalisation du disque jusqu’aux apparences télévisées. Il nous révèle ainsi que l’artiste n’a pas tous les droits sur son œuvre et ne dispose pas de l’entière ni de la juste rémunération de son travail (cf. cette infographie qui prouve que l’artiste ne reçoit qu’une part minime des profits).
Artifact met donc en lumière la puissance et la cupidité voire la rapacité des maisons de disques qui imposent leur contrat aux artistes. Un travail audacieux pour dévoiler une vérité non connue du grand public. De plus, les différentes interventions et les témoignages de professionnels de la musique et d’artistes tels que Chester Bennington de Linkin Park et Serj Tankian de System of Down, renforcent sa crédibilité.
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=qa_gDpAWT_8[/youtube]
Au-delà de son côté instructif, ce documentaire se révèle à la fois intime et touchant. On peut y trouver des témoignages de la famille et des amis du groupe, des scènes marquées par des moments de doute, de complicité, de bonheur, de tristesse… Il s’agit donc d’une véritable intrusion dans la vie d’un groupe en crise, qui tente malgré la pression financière et judiciaire de leur label, de continuer à créer.
Du côté des fans, la critique est unanime : Artifact est un documentaire »incroyable, pertinent, qui ouvre les yeux et incite à réfléchir sur le monde de la musique », ‘’Je trouve que ce documentaire doit être vu dans toutes les écoles de musique, de commerce et de journalisme du monde’’, il reflète l’esprit du groupe »Ne jamais abandonner, se battre pour réaliser ses rêves ; c’est ça Thirty Seconds to Mars ».
Enfin, Artifact, déjà récompensé par de nombreux prix (dont le People’s Choice Award, 2012 Toronto International Film Festival ainsi que le Gotham Independent Film Awards 2012), n’est pas seulement un documentaire qui porte sur le combat d’un groupe de rock, il offre un tour d’horizon général sur ce qu’est le monde de l’industrie musicale et pose la question du rôle des maisons de disque. Censées mettre en avant l’artiste et assurer sa promotion, elles apparaissent surtout comme des entreprises tournées vers la rentabilité et le profit.
Pauline S. –
Crédit photo : Moses
]]>La non-rémunération des stages, comme il est d’usage dans de nombreux organes européens, dénigre la valeur du travail. Tout d’abord, le modèle que l’on souhaite transmettre aux générations futures est dévoyé. Une société qui ne reconnait pas qu’un travail mérite salaire bafoue des acquis élémentaires du droit et du contrat social. De plus, dans le cas de stage de plus de trois mois, l’étudiant finit par travailler en autonomie. La rémunération est une reconnaissance de cette compétence ainsi que de l’apport qu’il réalise au sein de son service.
Donner un poids financier au stage
Ensuite, donner un poids financier à un stage est une incitation à structurer la mission proposée. Le stage ne représentant pas un coût, les services ont tendance à recruter des étudiants dans l’éventualité d’une activité supplémentaire. Les stagiaires se retrouvant face à un niveau d’activité faible alors même qu’ils ont fait plusieurs milliers de kilomètres à leurs frais sont récurrents. Il est donc nécessaire de rappeler qu’un stage s’inscrit dans un cursus pédagogique et que ses objectifs et son encadrement doivent être clairement définis. Rémunérer un stage permet d’assurer un stage de qualité.
Un autre effet pervers est l’inégalité qui découle de cette situation. Les étudiants issus de milieux défavorisés ne peuvent prétendre à des stages non-rémunérés qui occasionnent de nombreux frais. Ils ont toujours la possibilité de prendre un ticket de jeu chez le buraliste pour participer au tirage Euromillions mais un stage rémunéré serait quand même l’idéal. Or il est nécessaire de payer un loyer et le coût de la vie quotidienne est souvent élevé dans une capitale. Mais il convient d’ajouter le coût du billet d’avion aller-retour, qui peut être élevé dans le cadre du Service Européen pour l’Action Extérieure, les frais de visa et d’assurance maladie à l’étranger. Ne pas rémunérer les stages empêche la réalisation d’un système éducatif qui se dit basé sur la méritocratie et l’Egalité des chances.
De plus, cette situation crée une inégalité de fait au sein des Institutions Européennes. Il apparaît difficilement justifiable de refuser une allocation de quelques centaines d’euros face aux montants utilisés dans le cadre d’autres dépenses. Plus grave, des cas où l’on demandait à des stagiaires de payer les coûts de transports et d’hôtel pour assister à des évènements ont été clairement identifiés.
« Un pourcentage maximal de stagiaires par service… »
La charte européenne de qualité pour les stages et les apprentissages signée en Mars 2010 engageait les institutions européennes à » plus de stages et d’apprentissages de meilleure qualité. » Il apparaît donc urgent de prendre plusieurs mesures. L’allocation d’une indemnité compensatrice est un minimum dans le cadre de la promotion de l’égalité des chances. Il conviendrait également d’assurer des cotisations sociales à un niveau pertinent à ces étudiants.
Alors que l’on allonge la durée de cotisation retraite dans tous les pays de l’Union Européenne, ils subissent une double peine : l’allongement de la durée des études prolongée par des stages en début de carrière et l’allongement de la durée de cotisation en fin de carrière. L’assurance maladie devrait également être fournie à minima. Enfin, un pourcentage maximal de stagiaires par service ou Délégation européenne devrait être fixé. Il parait difficile de justifier plus de 10 à 15 % de stagiaires dans une équipe.
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Depuis près de neuf ans, le bistrot-mémoire de Rennes permet aux personnes concernées par la maladie d’Alzheimer (aidants, familles, malades) de se retrouver autour d’un café. L’échange se veut libre, l’ambiance conviviale. Objectif : briser l’isolement, à la manière d’un vrai bistrot. Reportage d’un étudiant de Sciences Po Rennes.
« C’est la trêve des confiseurs, même à l’UMP ! » Claude a le sourire en coin et les yeux plissés en montrant la petite boîte de chocolat qu’il a amenée. Fier de son calembour. Amusée, Marie-Hélène Lebreton regarde l’homme de 75 ans s’asseoir, l’air bienveillant. Marie-Hélène est psychologue et travaille à l’association Bistrot-mémoire de Rennes, dont elle est la seule salariée. Ce mercredi 19 décembre, au carrefour de la rue Dupont des loges et de la rue Sauveur, le café « Chez Mama’ï » accueille son dernier bistrot-mémoire de l’année. Comme Claude, une douzaine de personnes sont réparties autour des petites tables rondes et carrées du café, à être venus pour cette dernière.
Chaque mercredi, de 15h à 18h, l’association accueille les malades d’Alzheimer, leur famille et les aidants dans une partie du bistrot pour échanger. Bientôt neuf ans que cela dure. Le bistrot-mémoire de Rennes a été créé en janvier 2004 par Irène Sipos, directrice de la maison de retraite Saint-Cyr à Rennes, et Isabelle Donnio, directrice de l’Aspanord (association d’aide et de soins infirmiers à domicile intervenant dans un secteur au nord de Rennes). Depuis, le concept a fait son chemin et de nombreux bistrots-mémoire sont apparus en France. « Malgré tout ce qui existait avant, les gens n’allaient pas vers les dispositifs, explique Marie-Hélène. Le bistrot-mémoire, c’est convivial, pas médical. »
Suisse, fusillade et calculatrice
Ici, pas de long discours. « On parle de la pluie et du beau temps », confirme la psychologue. Le plus souvent, un thème est au cœur de ces trois heures de discussions, mais aujourd’hui, c’est conversation libre. Et avec Claude, les sujets s’enchaînent aussi vite qu’il propose ses chocolats. On parle aussi bien du logement en Suisse que de la fusillade de Newton aux Etats-Unis – « Les armes, c’est dans leur culture. C’est un pays violent » – ou encore de mathématiques. « Les jeunes ne savent plus compter sans leur calculatrice. Au moins, ils savent rendre la monnaie », glisse t-il dans un sourire.
Claude était professeur de physique-chimie. Cela fait deux ans qu’il a découvert le bistrot-mémoire. Sa femme est atteinte de la maladie d’Alzheimer, elle a 73 ans et est hébergée dans un Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) depuis six mois. Pendant plus de six ans, « 24 heures sur 24 », Claude a joué le rôle d’aidant auprès d’elle alors qu’ils étaient séparés. « Aujourd’hui, elle croit qu’on est toujours ensemble », souffle t-il, recroquevillé dans sa chaise. « L’infirmière m’a dit qu’elle finira grabataire. C’est triste. » Marie-Hélène ne peut que confirmer. Un silence s’installe, le temps que le thé de la psychologue soit servi. Puis Marie-Hélène reprend : « Claude, c’est un fidèle. Il vient toutes les semaines. » « Venir ici, ça permet de relativiser », justifie–t-il.
« Le sapin » d’Andersen
En pleine discussion, une femme en polaire rouge s’approche de la table, un bouquin à la main. « Je peux lire mon conte ? », demande–t-elle à Marie-Hélène. Il s’agit de Marie, l’une des trois bénévoles présents ce jour-là. Elle s’est proposé de lire « Le sapin », un conte du Danois Hans Christian Andersen. Pendant quinze minutes, le silence se fait, ou presque, « Chez Mama’ï ». La nuit qui tombe, la lumière tamisée qui s’échappe des appliques rondes placées aux quatre coins de la pièce, les murs ocres donnent la sensation d’être auprès du feu. A l’image des enfants, tous écoutent l’histoire de ce sapin qui voulait grandir et quitter sa forêt. Des applaudissements viennent clore cet instant. Pendant quelques minutes, on parle sapins et contes. Naturel. Les tables se rapprochent, certains changent de place. Marie-Hélène avait prévenu : « C’est un bistrot, il y a des allées et venues. »
Marie-Madeleine s’assoit à côté de Claude. Elle aussi est bénévole au bistrot-mémoire. Cheveux courts, lunettes assorties à son collier, gilets gris, Marie-Madeleine est élégante. Du haut de ses 87 ans, elle ne manque pas d’énergie. Elle a découvert le bistrot-mémoire fin 2004, alors qu’elle venait d’emménager à Rennes, elle qui vivait jusque-là en périphérie. Son mari, aujourd’hui décédé, souffrait de démences fronto-temporales qui pouvaient le rendre agressif et qui lui ont fait perdre tout sens commun. Elle s’en est occupée « non-stop » jusqu’à ce qu’elle se casse le col du fémur. « Là, je me suis dit : « Ma vie conjugale, c’est terminée. La vie à la campagne aussi« . » « J’ai vu mon univers s’écrouler », résume-t-elle sans se plaindre. Car cet incident lui a aussi permis de déculpabiliser : « Ça a été un soulagement. Je pouvais me reposer sans avoir mauvaise conscience. »
Au bistrot mémoire, elle est venue chercher de l’écoute, rencontrer des personnes qui ont traversé la même expérience. Désormais bénévole, elle continue d’écouter. « Je ne donne pas de conseils. On doit amorcer une discussion, pas faire un speech. »
« Bonjour la foule ! »
Vers 17h, alors que le bistrot se désemplit au compte-gouttes, deux femmes poussent les portes de l’établissement. Cathy et sa mère, Suzanne, atteinte de la maladie d’Alzheimer. « Bonjour la foule ! », lance la vieille dame à l’assemblée. Une salutation tonitruante en décalage avec l’attitude qui est celle de Suzanne pendant plus d’une heure. Sur sa chaise, elle boit son café, mange un chocolat, puis deux. « Je suis une gourmande », glisse t-elle en prenant une autre friandise. Avec un mouchoir, elle s’essuie les lèvres. Puis recommence de nombreuses fois. Malgré les tentatives de Marie-Madeleine, Suzanne a dû mal à rester dans une conversation. Elle regarde ailleurs, pousse une chaise, sourit. « Malade ou aidant, on est isolé. » Avec Suzanne, les propos de la bénévole prennent tout leur sens. Pendant ce temps-là, Cathy discute avec Marie-Hélène, Mireille et Michel, les deux autres bénévoles. Sa mère s’impatiente et tape sur le sol avec sa jambe. Elle ne comprend pas pourquoi sa fille ne veut pas qu’elle prenne un autre café. Cathy a les traits fatigués mais n’envoie pas balader sa mère.
Au moment de quitter « Chez Mama’ï », Suzanne tend son bras pour dire au revoir. Sa poignée de main est chaude. Dans son manteau bleu, qui paraît trop grand pour elle, elle souhaite « tout plein de bonnes choses et un joyeux Noël. » Mais Suzanne devra patienter, sa fille « est une bavarde ». Les conversations s’éternisent alors que chacun s’est habillé pour partir et que les tasses sont vides depuis longtemps. Pas de doute, on est bien au bistrot.
Alexandre Blaise – M2 Journalisme à Sciences Po Rennes.
]]> Si la rentrée des classes a déjà commencé pour une majorité des petits et grands, il faudra attendre la mi-septembre pour celle des séries chez les networks américains. Selon une étudiante de Sciences Po Strasbourg l’Ecole de journalisme de Sciences Po Paris, la rentrée 2012 s’annonce bien mauvaise…
Les critiques télé s’accordent à dire que ce cru 2012 est particulièrement mauvais, surtout lorsque l’on observe que la majorité d’entre eux annoncent que Nashville (ABC) sera la meilleure série dramatique de l’année et que Partners (CBS) se hissera dans le Top 5 des séries comiques les plus drôles.
Les chaînes américaines ont oublié qu’il fallait faire rire le public pour être reconnues comme des comédies. Go On (NBC) signe l’énième comeback de Matthew Perry à la télévision mais ne parvient que difficilement à arracher un sourire au téléspectateur tellement les blagues et les mimiques de l'acteur sont lassantes. On en viendrait presque à espérer qu’un fusible saute pour avoir une bonne excuse d’éteindre la télé.
Dans la lignée des séries comiques pas très drôles mais pleines de bons sentiments, The New Normal (NBC) est maîtresse en la matière : la nouvelle production de Ryan Murphy (Nip/TuckGlee, American Horror Story) se concentrera sur un couple gay et la mère porteuse de leur futur enfant. Si la série ne sera sans doute pas la comédie de l’année, elle a au moins le mérite de montrer, à une heure de grande écoute, des personnages LGBT, ce qui lui vaut d’ailleurs d’être déjà censurée dans le Utah aux Etats-Unis. On aurait pu dire la même chose de Partners (CBS) si cette dernière n’avait pas abusé de stéréotypes pour représenter deux meilleurs amis, un hétéro et un gay qui travaillent dans la même entreprise d’architecture, sur fond de rires enregistrés, propres aux sitcoms des années 1990.
A côté, Guys With Kids (NBC) passerait presque pour une production drôle, alors qu’elle accumule tous les clichés utilisés par les séries comiques de ces cinq dernières années : les jeunes pères, la « Bromance » (l’amitié entre hommes), les relations homme femme… Un florilège de thèmes usés jusqu’à la corde qui ne méritaient pas une nouvelle série et qui ne s’étendra sûrement pas au-delà d’une saison.
Néanmoins, la palme revient à The Neighbors (ABC) qui met en scène une famille américaine qui déménage dans un quartier résidentiel entièrement tenu par… des extraterrestres. Verts. Faut-il en dire plus ?
Que reste-t-il alors pour se détendre et sourire un peu devant sa télévision, à part attendre le retour de Community, Modern Family ou encore le très espéré comeback de Arrested Development ?
Pour l’instant, The Mindy Project (Fox) se vend bien grâce à la personnalité de Mindy Kaling qui s’est illustrée dans The Office en incarnant l’hilarante Kelly Kapoor pendant huit ans, mais manque encore de piquant et d’autodérision, en tout cas pour ce que l’on voit de la série dans les trois minutes de bande-annonce [youtube]http://www.youtube.com/watch?v=j0atkuby1SY[/youtube].
Celle qui a une longueur d’avance, c’est en fait Ben and Kate (Fox), qui relate les aventures d’un frère et une sœur, une histoire qui a le mérite de ne pas faire immédiatement sombrer les personnages dans des péripéties de comédie romantique mais plutôt de rester sur le thème de la famille. Mention spéciale à la petite Maggie Elizabeth Jones, atout charme/chou de la série du haut de ses sept ans. Le bémol : un trailer de presque cinq minutes qui ne laisse pas grande place à l’imagination et révèle déjà tous les moments clés de l’épisode Pilot.
Restent les séries dramatiques, souvent plus reconnues par la critique, qui cette année subissent également la pénurie de nouvelles idées qui fait rage au pays des scénaristes.
Chicago Fire (NBC), par exemple, fait débat. Si certains affirment que la production est intense, il est difficile de ne pas réaliser que les pompiers étaient probablement le dernier corps de métier qui n’avait pas sa propre série télévisée. Difficile de résister à s’engouffrer dans la brèche ? A regarder pour le torse nu des hommes du feu.
Cependant, c’est la chaîne CW qui fait des ravages dans le paysage télévisuel en promouvant à la fois Cult, une série « mise en abîme » qui montre des jeunes gens tellement fascinés par des crimes mis en scène à la télé qu’ils les reproduisent pour de vrai, mais également Beauty and the Beast, affligeante de tous points de vue, remake de La Belle et la Bête avec Kristin Kreuk et une « bête » incarnée par un mannequin qui arbore une petite cicatrice sur la joue droite.
Elle diffusera également Arrow, un spin-off de Smallville qui se concentre sur Green Arrow, un super héros lisse mais qui fera sans doute baver les ménagères devant leur écran.
Plusieurs points communs entre cette dernière série et Revolution (NBC), le blockbuster de la rentrée sur lequel les producteurs misent beaucoup. Non seulement l’action est au rendez-vous, mais les armes ancestrales ne manquent pas dans cette série qui se situe dans un futur proche, alors qu’un « blackout » mondial a causé une coupure de courant à la fois permanente et généralisée. Evidemment impossible de remettre l'électricité en route avec le disjoncteur différentiel ! Un peu de mystère à la Lost (trouver son héritière reste encore le fantasme des chaînes américaines), une bonne dose de combats, une louche de science-fiction et on a sûrement la série à succès de l’année, du moins auprès du public.
ABC a, quand à elle, tenté un coup de poker en proposant Last Resort, qui a le mérite d’être située dans un lieu pour le moins sous-exploité à la télévision : un sous-marin. De sombres histoires de relations internationales, d’objection de conscience et de patriotisme qui donnent, ci ce n’est l’envie de suivre la série, au moins celle de regarder les premiers épisodes pour se faire une opinion.
La Fox devra se défendre avec The Following, intéressante sur le papier car le héros principal n’est autre que Kevin Bacon, mais qui a l’air un peu difficile à suivre avec son histoire de tueur en série qui créé un réseau de meurtriers grâce aux médias sociaux. Petit bonus tout de même : les amateurs de thrillers qui donnent la chair de poule devrait apparemment apprécier.
Vegas (CBS), quant à elle, s’inscrira dans la lignée des séries « historiques » qui fleurissent depuis le succès de Mad Men et dessinera les contours de la création de la ville de Las Vegas dans les années 1960 alors que la corruption régnait en maitre sur les environs.
On en revient à Nashville (ABC) qui met en scène Connie Britton en ancienne chanteuse country à succès qui est contrainte de travailler avec une jeune starlette dans la veine de Taylor Swift, incarnée, il faut l’avouer, brillamment, par Hayden Panettiere, à qui le rôle de jeune garce va comme un gant.
Néanmoins, le fait que ce soit le drame le plus attendu de cette année montre bien les limites de ce cru 2012-2013, décidemment très décevant.
]]>Ce 16 Mai dernier, l’annonce de la composition du nouveau gouvernement nous a appris d’une part qu’il serait totalement paritaire, et d’autre part la formation d’un Ministère du droit des femmes, mené par la porte-parole de campagne de François Hollande, Najat Vallaud-Belkacem.
C’est pendant cette même campagne présidentielle, lors d’une soirée organisée le 2 mars par les associations féministes pour discuter des propositions des différents candidats, que François Hollande avait promis la création d’un tel ministère, de même que la parité au sein du gouvernement. Il y avait toutefois fait grincer quelques dents en affirmant que la parité qu’il promettait ”ne [voulait] pas dire que les responsabilités seraient les mêmes”. Beaucoup y avaient vu une annonce du classique plafond de verre que rencontrent les femmes, y compris (et peut-être même particulièrement) en politique : elles ont certes de plus en plus accès à des postes politiques, mais restent cantonnées à des postes subalternes. Par exemple, la loi sur la parité du 6 juin 2000 qui oblige les candidats au poste de conseiller régional à se présenter avec un suppléant de sexe opposé est à l’origine d’une plaisanterie répandue dans les milieux féministes :
Quel est le féminin de Président de région ? … Suppléante.
En effet, si, comme de nombreux médias l’ont souligné, la parité est rigoureusement respectée (9 femmes sur 18 ministres et 8 femmes sur 16 ministres délégués), seule Christiane Taubira hérite d’un portefeuille régalien.
Toutefois, la lois sur la parité de 2000 a été critiquée notamment parce qu’elle impose un fort renouvellement de la classe politique (si la moitié des élus doivent être des femmes, les hommes se trouvent enrôlés dans un jeu de chaises musicales pour les postes disponibles restants, dont le nombre se réduit considérablement, et brusquement), au risque de favoriser un personnel politique, forcément, moins expérimenté.
Difficile de ne pas faire le parallèle avec le débat provoqué autour du Festival de Cannes par la tribunede Virgines Despentes, Fanny Cottençon et Coline Serreau contre l’absence de réalisatrice parmi les films sélectionnés, à laquelle Sege Kahanski a répondu en affirmant que la qualité des œuvres présentées devait être la seule variable prise en compte, et qu’il fallait seulement déduire de l’absence de réalisatrice qu’il n’y en avait eu aucune de talentueuse cette année. La polémique raisonne aux Etats-Unis, où plus d’un millier de femmes ont signé la pétition… Et n’en finit pas, si l’on en juge à la réaction de Nelly Kaprélian, Anne Laffeter et Géraldine Sarratia dans les Inrocks.
Alors que certains dénoncent une obsession des féministes pour une égalité numéraire qui ne serait pas pertinente, il est délicat de s’accorder sur le degré d’exigence de parité à formuler: à partir de quelle proportion peut-on estimer que les femmes ne sont pas sous-représentées, ou plutôt, à partir de quel moment doit-on considérer que les mesures anti-discriminatoires qui ont été prises sont satisfaisantes?
En réalité, les débats autour de la valeur de la parité en politique, y compris parmi ses partisans, ne sont pas près de s’arrêter. Il faut cependant reconnaître que la composition paritaire du gouvernement a fait l’objet d’un relatif consensus.
Johanna A. – Sciences Po Strasbourg
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Deux étudiants de Sciences Po Aix, publiés dans le journal Controverses, nous livrent deux analyses diamétralement opposées de la situation de la monnaie unique, de fédéralisme à euthanasie d’une « monnaie mourante ».
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La question de la monnaie unique n’est pas seulement économique. Elle est aussi et surtout politique. Voulons-nous construire l’Europe ensemble? Préférons-nous plutôt nous séparer et poursuivre notre chemin chacun de notre côté en renonçant, à terme, à la puissance d’une Europe unie ? Aujourd’hui, l’échelle européenne est la mieux à même de nous donner ce poids démographique, économique et surtout politique.
L’euro n’est pas seulement un outil économique en difficulté. Il est un objet politique qui fait désormais partie des fondements de l’Union européenne. Associé au poids européen en matière économique, démographique et politique (que l’Europe peut développer), cet objet politique est une chance. Une chance de renouveau et de changement au sein du “vieux continent”. Parce que l’euro représente la volonté commune de dix-sept pays de travailler ensemble pour un objectif qui doit être commun. Et quel poids auraient des pays séparés dans un monde globalisé, où l’intérêt de chacun mettrait à bas l’intérêt général européen et tout espoir de prospérité? Comment s’en sortiraient les États reprenant leurs monnaies nationales? Entraînant la pire récession jamais enregistrée, une sortie de la zone euro déclencherait une augmentation exponentielle de la dette qui, elle, ne changerait pas de devise.
Les problèmes de l’euro ne peuvent être réglés par le seul couple franco-allemand, et les leaders économiques européens ne devraient pouvoir présenter de mauvais diagnostics, ni imposer de mauvaises solutions. Si la réduction des déficits publics est une nécessité, ce n’est pas par la rigueur stupide qu’elle doit se faire. En effet, l’austérité plombe la consommation, ce qui ralentit la croissance voire mène à la récession. Cette dernière augmente à son tour la dette, générant une dépréciation encore plus grande de l’euro.
La question de l’euro est profondément idéologique et politique. Elle nécessite un changement de fond dans l’action européenne, la démocratisation des institutions de l’Union, une Europe au service des peuples et non plus au service d’un système devenu fou. Ce changement doit advenir et permettre l’émergence d’une Europe fédérale. En 2012, l’espoir européen doit faire en sorte de construire cette nouvelle Europe.
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Dès sa conception, l’euro était voué à la mort. Car l’euro est une maison mal construite, sur des fondations pourries, en zone inondable.
Emmanuel Todd le disait : « Avec l’euro fou, les Européens utilisent leur puissance pour se torturer ! ». Monnaie bien trop chère, l’euro fait fuir nos industriels qui délocalisent aux États-Unis, en Europe de l’Est ou en Chine. De surcroît, la BCE fait preuve d’un monétarisme absurde: elle a relevé les taux d’intérêt au printemps 2011 comme elle l’avait fait à l’été 2008 , alors que toutes les autres banques centrales pratiquaient des politiques plus accommodantes et appropriées à la situation actuelle. Enfin, l’article 123 du traité de Lisbonne l’empêche de monétiser. Cela aurait permis de maintenir à flot les pays, comme la Grèce, durement touchés par la crise.
Ensuite, l’euro est construit avec des fondations pourries sur une zone inondable car l’Europe est soumise au libre-échange, ainsi qu’aux soubresauts de l’économie. Alors que nous importons de Chine ou de Corée, nos produits ne sont pas en retour achetés par ces pays qui, eux, font du protectionnisme. De plus, nous sommes vulnérables à toutes les crises financières, à défaut de barrières douanières nous protégeant. Des barrières qui auraient atténué l’impact de la crise américaine des subprimes. Or, nous avons subi une crise aussi dure que celle que les Etats-Unis traversent. Que l’on n’aille pas nous faire croire après cela que l’euro nous protège ! A-t-on déjà vu dans l’Histoire une zone monétaire regroupant plusieurs pays ? Non. L’union monétaire est une construction baroque et pleine de dysfonctionnements. Dans la théorie économique, pour partager une même monnaie, il faut avoir une mobilité des travailleurs, un budget commun et une convergence économique de la zone. La zone euro ne rassemble aucun des trois critères. Au lieu de favoriser la convergence, l’euro accentue les disparités régionales: l’Allemagne attire toute l’industrie et ne laisse rien à la périphérie.
La question de l’euro n’est pas idéologique, c’est une question de bon sens que les “euro-béats” qui nous gouvernent ne comprennent pas. En 2012, la parole nous sera donnée et nous devrons faire en sorte que cette monnaie soit euthanasiée pour que les peuples puissent enfin respirer.
En plus d’un formidable jeu de mot, un étudiant de Sciences Po Toulouse, rédacteur d’un blog dédié aux questions de diplomatie d’influence, nous propose une analyse originale du soft power de Walt.
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Disneyland Paris fête ses 20 ans. 20 ans c’est le plus bel âge de la vie, le moment de tous les possibles où on sort de l’adolescence et on se projette vers sa vie future et construite. C’est un peu le cas de Disneyland Paris qui a mis du temps avant d’être bénéficiaire mais qui fait maintenant partie intégrante du tourisme parisien et français.
Ainsi la Délégation Interministérielle au Projet Disney (sic) souligne ((http://corporate.disneylandparis.fr/CORP/FR/Neutral/Images/fr-2012-03-14-bilan-20-ans-retombees-economiques-sociales.pdf)) :
« La contribution croissante de ce pôle à l’attractivité touristique de la France, à la production de valeur ajoutée pour son économie, à la création d’emplois, et au rééquilibrage de l’Île-de-France vers l’Est. »
Ci-dessous une infographie tirée de cette étude avec des chiffres éloquents.
Ce qui nous intéresse ici n’est pas tant l’impact économique, mais l’optique de diplomatie d’influence et de « soft power ». Aussi nous allons voir comment l’entreprise Disney, d’abord par ses films, ensuite par ses parcs à thèmes participe au soft power américain.
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Disney, c’est l’histoire de Ta vie
Le cinéma est un vecteur traditionnel de transmission de la culture d’un pays. Disney ne déroge pas à la règle. Il faut d’abord rappeler ici que Walt Disney a toujours été très patriote. Ainsi durant la Seconde Guerre Mondiale Neslon Rockefeller qui dirige le département d’Etat lui demande d’aller représenter les USA en Amérique Latine afin de « lutter contre le nazisme ». ((Disney A to Z: The Updated Official Encyclopedia, Dave Smith, 1998)) Notre ami Walt devenu très patriote soutiendra ainsi le Maccarthisme du nom de ce sénateur qui joua sur la peur du communisme début des 50’s aux Etats-Unis et déclencha une vraie chasse aux sorcières. A ce titre, ne peut-on pas voir dans le Capitaine Crochet de Peter Pan, sorti en 1953, une image de ce communiste tant craint : un pirate avec une cape rouge et dont le crochet rappelle par métonymie la faucille…En tout cas le timing est troublant. En outre, on retrouve dans ce film l’idée première du rêve américain, le « quant on veut on peut », que Nike traduira par « Just do it », qui permet à Peter Pan et à ses amis de s’envoler :
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=D9WrrdvccSk[/youtube]
Chez Disney, on passe de pauvre enfant à princesse, de bête à prince, et de zéro en héros :
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=LeYM6sRdERQ[/youtube]
L’American dream, celui d’une terre des infinies possibilités et du self made man qui croit en ses rêves et en sa chance se perpétue à travers les films de Disney. Le rêve des américains se confond petit à petit avec le rêve américain dans un certain syncrétisme cinématographique.
En outre, on retrouve d’autres éléments de la société américaine. Ainsi les femmes ont été pendant longtemps cantonné à ce rôle de desperate housewives attendant leur prince charmant pour qu’il la sauve/réveille/marie…La religion est également très présente dans les films de Disney.
En somme, il existe une réelle dialectique où Disney est porteur de la culture américaine qu’il façonne en même temps.
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Les parcs Disney, quand le rêve devient (hyper)réalité
La notion d’hyper réalisation recouvre « l’ensemble des processus de création des espaces à partir de représentations qui coupent le lien direct qu’entretiennent l’espace réel et sa représentation » ((Crozat Dominique, « Violence en espaces hyper réels », Annales de géographie, 2009/5 n° 669, p. 478-497.)) La nature du monde hyper-réel se caractérise par une amélioration de la réalité.
Umberto Eco ou encore Baudrillard prendront l’exemple de Disneyland pour expliquer et imager ce concept d’hyper réalité.
Umberto Eco explique ainsi que l’ordre imaginaire de Disneyland est opposé au reste du monde, réputé réel, mais, en fait, l’Amérique toute entière et le monde, sont la simulation hyper réelle. « Ce n’est plus une question de fausse représentation de la réalité, mais de dissimulation du fait que le réel n’est plus réel… ». On pourrait résumer l’hypperréalité par cette expression d’Eco qui dit que c’est « Le faux authentique » ((Umberto ECO, La guerre du faux, Paris Grasset/Le Livre de Poche, « biblio essais », 1985)).
Afin de ne pas trop accabler les américains et Disney, on peut prendre un autre exemple de parc à thème avec le Parc Astérix. Le personnage d’Astérix et tout ce qui est vécu dans le parc éponyme a remplacé Vercingétorix dans l’esprit des Français comme l’explique extrêmement bien Laureline Karaboudjan ((http://blog.slate.fr/des-bulles-carrees/2012/03/27/nous-ne-chavons-pas-ou-chest-alegia/)).
Par ailleurs, on peut également mentionner le fait qu’il sera maintenant possible de se marier dans le Disney de Tokyo ((http://www.lepetitjournal.com/tokyo/en-bref-tokyo/100466-insolite–disneyland-tokyo-va-autoriser-les-mariages-au-chateau-de-cendrillon.html)), devenir ainsi une vraie princesse…
De plus, l’exemple de Roger Rabbit où humains et toons vivent dans le même monde permet en définitif d’imager cette notion :
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=yy5THitqPBw[/youtube]
« L’espoir d’être une source de joie »
Walt Disney ouvre son premier « Disneyland » en 1955 dans la banlieue de Los Angeles. Dans la plaquette de présentation, il était écrit : « A tous ceux qui pénètrent dans cet endroit enchanté – bienvenue. Disneyland est votre pays. Ici, les anciens revivent les souvenirs plaisants du passé et ici, les jeunes peuvent goûter aux défis et aux promesses du futur. Disneyland est dédié aux idéaux, aux rêves et aux événements indiscutables qui ont créé l’Amérique… avec l’espoir d’être une source de joie et d’inspiration pour le monde entier ».
On note bien ici cette volonté d’exporter cette « source de joie ». C’est également une manière d’ancrer un peu plus ce rêve américain dans la réalité physique des gens. Ainsi Louis Marin explique ((Louis Marin, Utopiques : jeux d’espaces, Les Editions de Minuit, Paris, 1973.)) que :
« Le visiteur de Disney est dans la position du récitant cérémoniel du récit mythique des origines antagoniques de la société. Il en mime les contradictions dans le présent de sa visite et sa gesticulation rituelle, qui le conduit de la caverne des pirates au sous-marin atomique, du palais de la Belle au bois dormant à la fusée spatiale, et par laquelle il renverse, dans le jeu, les déterminismes de la vie quotidienne pour les réaffirmer, légitimés et justifiés, par son geste instaurateur ; sa promenade est le récit mille fois renouvelé de l’harmonisation leurrante des contraires, la solution fictive de leur tension conflictuelle. »
Il conclut en expliquant qu’en « “performant” l’utopie de Disney, le visiteur “réalise” l’idéologie de la classe dominante comme le récit mythique instaurateur de la société dans laquelle il vit. »
Si on met de côté la dimension de « classe contre classe », on note bien ici que l’hyper réalisation devient une performance de chacun où la réalité est courbée. On rentre donc bien dans une perspective de soft power où il s’agit de contrôler ou du moins d’influencer la réalité de l’autre.
Mulan, le Disney ? Non le film.
En 1998, Disney sort Mulan qui reprend la légende chinoise de Huan Mulan. La version « américaine » de cette légende n’a pas vraiment plu aux chinois qui n’ont pas apprécié les libertés prises par la firme de Mickey. Aussi en 2009, une production chinoise sort un film pour réhabiliter la véritable histoire. Il était important, dans une optique de soft power, que la Chine se réapproprie sa propre légende. Le People’s daily de declarer à propos du film:
« Zhao Wei (actrice principale) has done perfectly from the ancient poem to motion picture. ».
Voilà la bande d’annonce du film, bien loin du dessin animé, à vous de juger :
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=aDjjFqGrHbA[/youtube]
Cet épisode de Mulan pourrait être anodin s’il n’est pas mis en regard de deux éléments : les dernières déclarations de Hu Jintao dans le numéro de janvier de la revue théorique du Parti communiste chinois (PCC) Qiu Shi (« rechercher la vérité ») et la construction d’un deuxième Disneyland à Shanghai, après celui ouvert à Hong Kong en 2005.
Le choix de la ville de Shanghai est intéressant. Shanghai a accueilli l’Exposition Universelle en 2010, symbole d’un soft power chinois exacerbé qui montre à la face du monde ses réalisations et sa puissance. Pour l’anecdote, les bâtiments étrangers avaient une hauteur limite à ne pas dépasser afin de permettre au pavillon chinois de surplomber tous les pays…
Cette exposition se déroulait sur le Pudong, la rive droite de Shanghai, la plus moderne celle que d’aucuns appellent « le Manhattan de Shanghai ». Ainsi, dans une perspective de raconter la réalité et de dominer cette réalité à travers un soft power, l’emplacement du futur Disneyland sur le Pudong est un message fort de la diplomatie d’influence américaine. Hu Jintao ne s’y est pas trompé et celui qui va bientôt laisser sa place à la tête de l’Etat au profit de Xi Jinping, explique ainsi que :
« Les forces internationales hostiles redoublent d’efforts pour nous occidentaliser et nous diviser »
Il rajoute ensuite qu’il faut : « Répondre à la demande croissante de la population sur le plan spirituel et culturel ». Et de conclure que « La puissance culturelle de notre pays et son influence ne correspondent pas encore à sa place internationale. » ((http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2012/01/05/pekin-denonce-les-forces-hostiles-de-l-occident-qui-menacent-sa-culture_1626180_3216.html))
A quand l’ouverture d’un Disneyland à Pékin ?
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Du soft power jusque dans la culture d’entreprise
Dans la mesure où la diplomatie d’influence consiste à influencer la réalité de l’autre pour la rendre semblable à la sienne, il n’est pas étonnant que le premier parc Disney qui ouvre en dehors des USA ait été en France, le pays le plus visité au monde.
En outre, il est intéressant de noter qu’outre sa culture du rêve américain, la gestion des ressources humaines (GRH) de Disney est très américaine. C’est également une dimension du soft power. Ainsi, dans un modèle de gouvernance assez poussé où la GRH est moins « top-down » mais plus aplanie, les possibilités d’évolution sont multiples. Ainsi on peut prendre l’exemple de Katy Harris cette Anglaise, qui fit ses premiers pas en 1993 comme danseuse du spectacle La Belle et la Bête, et qui est maintenant depuis un an aux manettes de Disney Dreams, un grand show ((http://www.lefigaro.fr/societes/2012/03/22/20005-20120322ARTFIG00854-disneyland-paris-souffle-ses-20-bougies.php)). En outre Disneyland a participé à l’introduction de concepts très américains comme le fait d’être « corporate », soit en français, d’intégrer un éthos de son entreprise pour mieux la défendre. Lors des recrutements des futurs employés des parcs, le mot d’ordre est « La Magie c’est Vous! ». ((Sébastien Roffat, Disney et la France : les vingt ans d’Euro Disneyland, p.187.))
Le monde est petit
Pour ceux qui ont eu la chance d’aller à Disneyland (parce qu’on critique mais c’est quand même bien marrant), vous avez dû faire l’attraction « le monde est petit ». C’est peut-être l’attraction qui résume le mieux cet article. Dans un seul et même endroit, une musique joyeuse enferme le monde dans une confrérie sympathique joyeuse et statique. Les Français font du french Cancan, les irlandais sont des lutins, les anglais sont dans un bus rouge etc. Tout va bien dans le meilleur des mondes, un monde en papier mâché et prémâché par le soft power américain.
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=FY6CYfIQCos[/youtube]
Pour conclure et pour terminer sur une anecdote intéressante, le premier Space Mountain construit dans le premier Disney en 1974 a été possible grâce à l’achat…d’une rampe de lancement d’un porte-avion américain. Ce mode de catapultage a été gardé pour les autres Space Mountain. L’image est trop belle pour ne pas être utilisée : alors que le soft power –cette capacité d’influence douce- s’oppose au hard power –le pouvoir par la force, notamment l’armée -, en étant projeté dans space mountain c’est en quelque sorte la synthèse du hard et du soft power américain que vous expérimentez !
Après avoir déconstruit l’influence de Disney, on dit quand même bon anniversaire à Disneyland, et surtout on n’oublie pas qu’il en faut peu pour être heureux :
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=QprXlfVkpH4[/youtube]
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Renaud Voisin – Sciences Po Toulouse.
]]>Petite brève linguistique de notre experte en questions d’identité et d’orientation sexuelle.
Lorsque ses portes ne sont pas fermées pour une journée de protestation contre les lois anti-piratage américaines, Wikipédia est incontestablement le meilleur outil de procrastination qu’il soit : au contraire de Youtube, nul besoin d’un fallacieux prétexte pour y poser les pieds, une recherche tout à faire sérieuse sur le mortel sujet qui devrait occuper votre journée, et le monde des hyperliens s’ouvre à vous. Que de passionnantes découvertes sur les 150 différentes races de perruches que le monde abrite, ou sur les secrets de la feuille de rose. Il y a quelques temps, ces balades m’ont menée aux pages les plus mystérieuses, et les plus effrayantes du portail LGBT. Oui, je te parle des pages qui traitent de l’argot gay (gay slang pour les intimes).
On savait déjà que le monde gay (entendez par là »non-hétérosexuel ») avait ses petits mots pour parler de ses citoyens : les butch (lesbiennes masculines), les lipsticks (lesbienne féminine), les chapstisks (lesbienne moins féminine mais quand même un peu), les bears (gay très viril), les queens (je vous laisse deviner), etc. On savait que le sens de certains d’entre eux nous échappe (‘Frisco dyke, si tu nous entends !). On savait qu’il existe même des expressions qu’un hétéro ne doit pas employer souvent pour parler à sa grand-mère (spécial dédicace au coming-out). Par contre, on ne soupçonnait pas la richesse de ce vocabulaire.
Sans surprise, une bonne partie des mots de l’argot gay sont des adjectifs ou des noms utilisés pour désigner les gays eux-mêmes, la plupart du temps en fonction de leurs préférences sexuelles ou de leur apparence (les deux sont supposées être liées… que celui qui pense me faire croire qu’il n’a jamais cherché à évaluer les probabilités que Pablo soit gay en fonction de ses vêtements et de ses manières se jette la première pierre). Mes préférées : le pocket gay (gay de petite taille), le panda (bear asiatique), la rice queen (gay non asiatique à fond sur les asiatiques) et son petit ami la potato queen (et vice versa), le clone (on parle du stéréotype gay à moustache, manteau de cuir et jean serré des années 80), et le leatherman (de leather, cuir en anglais). De même, on croise beaucoup de termes qui désignent des pratiques sexuelles réputées particulières au monde gay. Les gays ne sont pas les seuls à les pratiquer, loin de là. Mais les tabous sexuels ont toujours été moins forts dans le monde gay (coucou ! J’ai relativisé la notion de perversion sexuelle depuis que ma vie amoureuse est supposée en être une!). Les gays en parlent, et pour en parler, ils ont besoin de mots : on aime le cottaging (avoir des rapports sexuels dans les toilettes publics), le felching (exécuter un anulingus – apparemment OpenOffice non), et le dock (je vous laisse découvrir, une sombre histoire de prépuce et de plaisir sexuel). On kiffe moins la do-me-queen (qui profite de vos dons sexuels sans se soucier de votre plaisir) et le barebacking (sexe non protégé). L’argot gay a aussi inventé tout un tas de petits mots pour faire référence aux organes génitaux : dicklet désigne le pénis d’un transsexuel (de femme à homme – et une transsexuelle »est devenue » une femme), mais je vous laisse découvrir vous-même le sens du mot mangina.
Bien sûr, on trouve tout un tas d’expressions et de termes relatifs aux »petits inconvénients » que la perception de l’homosexualité dans la société peut avoir (par perception, j’emploie un doux euphémisme). Le fameux closet/placard et son coming-out. Mais aussi les glass-closets (pour les gays tellement doués que tout le monde les a captés), ou la possibilité de drop a hair pin, i.e la célèbre boulette qui te out plus vite que ton ombre. Personnellement, je trouve que l’existence même du mot beard est parlante : votre beard, c’est votre alibi officiel. La lesbienne que vous présentez à votre famille/vos collègues comme votre petite amie, et qui vous présente aux siens comme son fiancé.
Dans la catégorie »refoulés », on peut citer le gay-until-graduation (si vous êtes fou, vous pouvez même dire GUG), la hasbian ( »en 1966, j’ai été lesbienne »), et son pote le yestergay. Ces petits coquins de gay sont friands de jeux de mots. Ainsi, la lezploitation désigne l’utilisation par les publicitaires de l’image des lesbiennes pour attirer les hommes hétérosexuels…
Les mots sous lesquels je viens de vous noyer ne sont que des exemples parmi d’autres… Je n’ai pas parlé d’argot par hasard : au Royaume-Uni, dans les années 50 et 60, le polari (dont le titre de cet article est un bel exemple) était couramment parlé dans la communauté homosexuelle. La communauté homosexuelle d’Afrique du sud en avait d’ailleurs tiré (en le mêlant à d’autres argots) son propre argot, le gail language. A vrai dire, j’avais dans l’idée de commencer un énième virulent article sur la pertinence de tous ces termes destinés à différencier les individus en fonction de leurs pratiques sexuelles : même si la plupart de ces mots sont en partie des privates jokes qui se reproduisent dans le temps, s’ils existent, c’est bien qu’ils répondent à un besoin. Celui de créer des dizaines de petites cases pour être certain que personne n’y échappe ? Peut-être. Cependant, on peut aussi remarquer que ce genre de vocabulaire, et tous les autres types de codes, se développent particulièrement là où l’identité sexuelle est porteuse d’un enjeu : lorsqu’elle est politisée comme aux Etats-Unis ; ou lorsque cacher son homosexualité est une nécessité (quelle autre solution alors que celle de créer des codes ?). Ainsi, l’homosexualité n’a été au Royaume-Uni dépénalisée qu’en 1967 (Sexual Offenses Act… le titre est relativement parlant). La plupart des mots propres à la communauté gay utilisés en France ne sont que des transpositions de l’anglais : depuis la promulgation du Code Civil, si elle était considérée comme une maladie mentale jusqu’en 1981, l’homosexualité ne constituait pas un délit en elle-même. L’homosexualité est en France moins que dans d’autres pays porteuse d’enjeux politiques: le mariage homosexuel et l’homoparentalité suscitent des débats, mais ceux-ci sont loin d’occuper une place primordiale dans le débat politique. Aussi, s’ils répondent à un besoin, c’est peut-être avant tout celui d’affirmer l’existence d’une certaine identité. On peut ne pas approuver les façons dont elle s’exprime, ou les formes qu’elle prend. Mais on peut difficilement condamner le besoin.
Johanna A – Sciences Po Strasbourg – Zinzolines.
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