Australie : Chroniques From Down Under

Ayers-Rock


Le 24 juin, les Australiens ont eu la surprise de se réveiller avec un nouveau gouvernement, chose rare, malgré les signaux de fumées s’accumulant depuis plus d’un an. Kevin Rudd du parti travailliste (Australian Labor Party) détenait jusque là le poste de Premier ministre depuis décembre 2007 après sa victoire sur John Howard et la Coalition entre les Liberals (parti libéral-conservateur, malgré l’antinomie apparente de cette qualification pour un parti qui se veut rassembler et comprend de ce fait des ailes étalées sur un large spectre politique), et les Nationals (parti de centre-droit défendant les intérêts de l’Australie rurale). De John Howard, un habile financier élu pour la première fois en 1996, Kevin Rudd avait hérité un pays prospère, battant des records de croissance, ramené à l’équilibre fiscal et dont la dette nette rapportée au PIB était devenue nulle (une dette brute était maintenue pour certaines opérations financières). L’héritage de Kevin Rudd aura hélas ! été tout autre.


John Howard

John Howard


Certes, l’Australie a évité, seule de tous les pays industrialisés, les affres de la récession (avec une croissance de 1.5 % en 2009 ((Pour les chiffres de la dette brute, le plan de relance et autres détails macroéconomiques abordés plus loin, voir CIA, World FactBook : https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/as.html))), entrant dans sa dix-septième année consécutive de croissance. Les revenus par tête sont en progression, le PIB par habitant dépasse désormais ceux de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni ((Pour les chiffres du PIB par habitant : http://data.worldbank.org/indicator/NY.GDP.PCAP.CD)). Le chômage a augmenté, passant de 4.5 % à 5.7 %, une performance exceptionnelle en ces temps de désordre financier, il est d’ores et déjà en train de retomber de ce pic que la France ne rêverait pas d’atteindre en période de vaches grasses ((CIA, World FactBook : https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/as.html)). Le déficit est resté limité à 2.9 % du PIB en 2009, presque trois fois moins que dans l’Hexagone (plus de 8 % en 2009), le retour à l’équilibre est prévu pour 2012-2013 ((http://www.businessspectator.com.au/bs.nsf/Article/Budget-2010-Aust-to-return-to-budget-surplus-in-20-pd20100511-5CCHM?OpenDocument&src=hp2)), année où la dette nette culminerait à 6.1 % du PIB (pour ensuite redescendre) du fait d’une croissance soutenue, expliquant que l’Australie se démarque de ses partenaires industrialisés. Le plan de relance de Kevin Rudd s’est élevé à quelques 30 milliards AU$ (environ 21,3 milliards € au cours actuel), il fut donc relativement modeste et retiré assez tôt en comparaison avec la durée moyenne ailleurs ((Concernant les prévisions de croissance, chômage et le retrait du plan de relance : http://www.theaustralian.com.au/business/markets/imf-australian-economy-to-outdo-others/story-e6frg926-1225856609264)). Le dollar australien s’est apprécié contre le dollar américain et la Chine a continué de jouer son rôle de catalyseur de la croissance australienne par sa demande soutenue et vorace en matières premières dont l’île-continent abonde. Les banques australiennes sont considérées comme les deuxièmes les plus sûres au monde, après celles du Canada, la RBA (Reserve Bank of Australia) a pu remonter relativement tôt ses taux d’intérêt directeurs du fait de la reprise rapide de l’économie, ce qui n’a pas manqué de faire jaser les autres pays occidentaux, encore en trop mauvaise forme pour faire de même. L’Australie est en outre le deuxième pays au monde pour son niveau de vie à en croire le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) qui la place au deuxième rang mondial pour l’IDH (Indice de Développement Humain) en 2009, à peine un millième derrière la Norvège, le champion en titre ((Pour les chiffres du PNUD concernant l’IDH et son calcul : http://hdr.undp.org/en/statistics/)).


Carte Australie


Des ombres au tableau demeurent à plusieurs égards: les arrivées de clandestins, l’Afghanistan et l’Irak…

Malgré une situation bien plus propice et viable que dans n’importe quel pays occidental, notamment les Etats membres de l’Union Européenne, des ombres au tableau demeurent à plusieurs égards. Tout d’abord, les arrivées de bateaux de clandestins, notamment en provenance du Moyen-Orient, se sont multipliées, tandis que le très sinophile Kevin Rudd faisait part de sa volonté de créer une « Grande Australie » en propulsant la population du pays de 21,43 millions (chiffres de 2008 selon la Banque mondiale) à 36 millions à l’horizon 2040, à ces fins, les chiffres de l’immigration légale ont doublé depuis 2007 ((The Economist, Australia’s expanding population, ‘Hot, dry and crowded. Can there be too many Australians?’, 4th February 2010.)). N’importe quel néophyte comprendrait le danger de cette politique insensée de par les caractéristiques et conditions climatiques fragiles du continent, désertique à 85 %, une population de 40 millions d’individus deviendrait rapidement problématique. En outre, les implications socioculturelles seraient tout à fait considérables, étant donné que la plupart des migrants viennent désormais de pays non occidentaux. La pression sur les services publics et les infrastructures serait également immense, rien n’assure que des mesures adéquates pourraient être prises suffisamment rapidement pour pallier à l’ensemble de ces difficultés. Un ministère a même été spécialement créé cette année pour pallier à ces problèmes ((http://www.theaustralian.com.au/politics/kevin-rudd-appoints-tony-burke-as-nations-first-population-minister/story-e6frgczf-1225849197138)). Et, surtout, les Australiens rejettent massivement le projet de « Grande Australie » et presque 80 % d’entre eux souhaiteraient un contrôle plus strict des frontières et de l’immigration ou sont inquiets des retombées sur l’environnement ou autres ((http://www.angus-reid.com/polls/view/australians_say_country_is_too_crowded/)), ce que le gouvernement est en mesure de fournir, ayant pour sa part une souveraineté territoriale totale et ne craignant pas les rebuffades de l’ONU (un fait illustré lors de l’affaire du Tampa, un navire norvégien transportant des clandestins que l’administration Howard refusa de laisser débarquer, défiant l’ONU d’intervenir et avançant la souveraineté australienne comme supérieure aux prescriptions onusiennes en la matière). Le site de détention pour clandestins de Christmas Island est plein à craquer, le partenariat avec l’Indonésie n’est pas aussi efficace que celui conclu entre Silvio Berlusconi et la Lybie et ne suffit plus à contrôler les mers bordant le pays. Un programme dispendieux a été mis en place par le gouvernement travailliste pour loger les clandestins régularisés (une notion étrange s’il en est), une fois de plus au détriment des segments productifs de la population.

Par ailleurs, l’Australie est toujours embourbée en Afghanistan et en Irak en dépit de pertes faibles (13 morts sont à déplorer en Afghanistan), une guerre tout aussi coûteuse qu’inutile, d’autant plus que Kevin Rudd s’était engagé à rapatrier les troupes australiennes. De multiples affaires ont continué d’opposer l’Australie à la Chine, notamment sur des questions d’espionnage industriel (affaire Hu). L’Australie a ainsi refusé des OPA chinoises sur des pans du secteur minier pour des raisons de sécurité nationale. Ce qui nous amène au plus grand échec de l’ère Rudd, sans doute le facteur principal de sa chute soudaine ; le bras de fer qui a opposé le gouvernement au secteur minier au cours des derniers mois. Le gouvernement souhaitait introduire une taxe sur les profits du secteur minier (super-profits mining tax ou encore RSPT, Resource Super Profits Tax), pouvant aller jusqu’à 40 % des profits au-dessus d’un certain montant ((http://www.futuretax.gov.au/documents/attachments/10_Fact_sheet_Resource_Profit_Tax_Final.pdf)), une mesure montrant encore, si besoin en était encore, l’incompréhension du gouvernement lorsqu’il s’agit de questions économiques. A l’heure actuelle, l’Australie et le Brésil mènent une compétition sans merci pour l’approvisionnement de la Chine en matières premières, la première ayant eu jusque là l’avantage du fait de coûts de transport plus faibles dus à sa proximité géographique. Kevin Rudd a pris le risque délibéré de compromettre cet avantage en imposant une taxe aussi ridiculement élevée touchant le moteur de l’économie australienne. La taxe a presque aussitôt dressé une majorité significative de la population contre le gouvernement, de même que nombre de députés travaillistes dans la chambre basse (House of Representatives), lesquels, comme nous le verrons plus bas, n’ont ensuite pas hésité à poignarder Kevin Rudd à l’occasion du litige. Il est vrai que l’indélicat M. Rudd a financé une campagne de publicité en faveur de la taxe avec des fonds gouvernementaux avoisinant 38 millions AU$ (27 millions €). Dans un même temps, un peu partout dans le monde industrialisé, les récents budgets font état de baisses significatives des taux d’impôt sur les sociétés, ainsi le Royaume-Uni compte abaisser progressivement le taux de 28 à 24 % ((http://www.telegraph.co.uk/finance/financetopics/budget/7510939/Budget-2010-key-points.html)). L’Australie, dont la fiscalité repose traditionnellement davantage sur les entreprises, devrait faire attention à ne pas se retrouver dans le sillon de ses concurrents. Un effort a été consenti par l’introduction d’une GST (Good and Services Tax), équivalent de notre TVA, par John Howard en 2000, ce qui a contribué à rééquilibre quelque peu le système fiscal en le faisant reposer en plus large partie sur l’imposition indirecte et la consommation plutôt que sur le travail ou les entreprises. Le point faible de l’Australie, malgré une excellente compétitivité (au 5ème rang mondial en 2010 selon le World Competitiveness Yearbook réalisé par l’IMD ((http://www.imd.ch/research/publications/wcy/upload/scoreboard.pdf))), demeure son déficit commercial (aux alentours de 5 % du PIB), peut-être le résultat d’une économie en manque de diversification et trop dépendante du secteur minier, à noter cependant que le déficit de la balance commerciale est en voie de résorption.

Un autre des échecs de Kevin Rudd est sa défaite sur le passage d’un ETS (Emission Trading Scheme), un système d’allocation de permis à polluer sur le « modèle » européen afin de lutter contre la menace hypothétique du réchauffement climatique créé par la main de l’homme. Kevin Rudd eut l’outrecuidance de qualifier le sujet comme ‘the great moral dilemma of our times’ avant de se retirer et d’abandonner le projet au vu de la forte opposition. La sécheresse, les inondations et, récemment, un déluge de criquets ont ravagé les récoltes, le Darling-Murray connaît un amenuisement palpable du fait de prélèvements en eau trop importants. Autant d’illustrations de la fragilité climatique du continent, lesquelles ont par ailleurs toujours existé. Cela n’empêche pas l’Australie d’être l’un des greniers à blé du monde, entrer dans un Woolworths (chaîne de supermarchés locale, branche autonome de la compagnie du même nom qui a désormais disparu au Royaume-Uni) australien constitue d’ailleurs une expérience amusante en cela que pratiquement tous les produits alimentaires, notamment les fruits et légumes, sont australiens (dans mon cas, deux pauvres avocats mexicains trônaient sur un étal, seule présence étrangère, hormis la mienne, dans ledit supermarché). Toujours est-il que beaucoup ne pardonnent pas à Kevin Rudd l’épisode de l’ETS, certains ont rallié les Verts par conviction, d’autres étaient opposés au projet au sein des rangs travaillistes et l’électorat de la Coalition était de façon écrasante opposé au passage du projet.

Un système électoral assez original incluant un vote préférentiel et la hiérarchisation des candidats

Au vu de ce bilan mitigé dont les aspects positifs sont très largement le résultat des efforts et entreprises du gouvernement passé, lequel avait amassé surplus après surplus budgétaire pour équiper le pays lors de périodes creuses, une politique que nous n’avons pas eu la sagesse de poursuivre en France, M. Rudd a démissionné après la déstabilisation survenue à la suite de son entêtement quant au passage de la super-profits mining tax. La persévérance semblait toutefois nécessaire au vu des récents échecs de Kevin Rudd concernant le projet d’isolation des maisons ou l’ETS, l’abandon de ce gadget politique aurait de toute manière signé l’arrêt de mort du Premier ministre. Le 23 juin au soir, M. Rudd passe une série d’appels téléphoniques frénétiques pour s’assurer du soutien des députés travaillistes après une série de sondages catastrophiques et la perte du siège de Penrith (dans la banlieue ouest de Sydney en Nouvelle Galles du Sud) le 19 juin lors d’élections locales. Les Liberals l’emportèrent par 50,9 % (18,3 points de plus que lors de la dernière élection) contre seulement 24,4 % pour le Labor (perdant 24,2 points), affaibli par l’hémorragie de ses adhérents ayant rejoint les Verts ((http://www.theaustralian.com.au/politics/nsw-labor-suffers-massive-loss-in-penrith-by-election/story-e6frgczf-1225881842073)). Sur la base des deux partis préférés (une mesure typique en Australie du fait d’un système électoral assez original incluant un vote préférentiel et la hiérarchisation des candidats selon la méthode de Condorcet), les Liberals l’emporteraient par 66,3 %. Toujours est-il que 75 députés travaillistes sur un total de 115 ne répondent pas à l’appel de Kevin Rudd. L’ambitieuse suppléante du Premier ministre, Julia Gillard, peut compter sur les transfuges pour soutenir sa candidature. Un vote a lieu dans la nuit du 23 au 24 juin, emporté par la damoiselle. Kevin Rudd n’a d’autre choix que de démissionner, acculé au mur, il ne peut compter sur le soutien de ses députés et annonce sa démission, à la charge de sa suppléante de prendre le relais et l’on voit rapidement avec quelle réticence elle s’attelle à la tâche. Il délivre un dernier discours de départ, à moitié larmoyant et auto-flagellateur. Au 24 juin, peu après 9h30, Julia Gillard devient le Premier ministre du Commonwealth d’Australie et, accessoirement le leader du Labor, par un coup d’état silencieux, en nouvelle Catherine Ashton, certes constitutionnel et régulier, mais par l’assentiment d’une poignée de députés, alors que Kevin Rudd disposait de la sanction populaire, d’autant plus significative que le vote est obligatoire en Australie. Les remarques, favorables comme négatives, fusent immédiatement. Certains semblent absolument obnubilés par le fait que Mlle Gillard est une femme. D’autres montrent du doigt son passé dans des associations universitaires proches de l’extrême-gauche et de l’Union soviétique. Entretemps, Julia Gillard délivre sa première élocution en tant que Premier ministre, promet le retrait de la campagne publicitaire financée par le gouvernement ((http://www.theaustralian.com.au/politics/gillard-scraps-governments-38m-ad-campaign-against-mining-tax/story-e6frgczf-1225883765185)) et appelle à la négociation. Peu de temps après, elle affirme sa volonté de traiter fermement le problème des clandestins et de prendre des mesures drastiques, dont on ne connaît pas vraiment la teneur à ce jour. Tony Abbott, à la tête de l’opposition, et ses Shadow ministers contre-attaquent sur le champ ; la menace est prise au sérieux ((http://www.theaustralian.com.au/politics/abbott-attacks-gillards-legitimacy-as-prime-minister/story-e6frgczf-1225883829505)). Pour cause, Julia Gillard est nettement plus populaire que Kevin Rudd en Nouvelle Galles du Sud. Pourtant, elle est significativement derrière son prédécesseur dans le Queensland, ce qui peut être expliqué par le fait que Kevin Rudd est un natif de cet Etat (où il demeure député du siège de Griffith). En Australie Occidentale, l’Etat au premier rang des concernés quant à la taxe minière, le Labor serait littéralement rayé de la carte si l’élection avait lieu aujourd’hui. Tony Abbott avance, non sans raison, le fait que Julia Gillard était l’un des principaux acteurs derrière les réformes de Kevin Rudd et tirait effectivement les ficelles, le changement serait uniquement de la poudre jetée aux yeux des Australiens. Les conséquences de ce changement de leader semblent encore incertaines, une sorte de jeu à somme nulle, étant donné que les gains escomptés dans un Etat compensent grosso modo les pertes attendues ailleurs.

L’ère Rudd, elle, demeurera celle de la dépense et de l’extravagance..

Toutefois, une chose est certaine ; l’administration Howard restera dans les mémoires comme celle qui élimina la dette nationale, rétablit l’équilibre des comptes, accumula des réserves en cas de coup dur et restaura la prospérité économique du pays, le catapultant aux premiers rangs mondiaux dans nombre de domaines. L’ère Rudd, elle, demeurera celle de la dépense et de l’extravagance, celle d’un sommet de Copenhague inutilement dispendieux, des réformes avortées et d’un manque patent de vision politique. Condamner Julia Gillard avant que l’opportunité lui soit donnée d’agir dans ses nouvelles fonctions serait sans nul doute une erreur, bien que ses antécédents ne soient guère rassurants, mais tout donne lieu de penser que les changements seront essentiellement rhétoriques et ne se traduiront pas en actes concrets. Verra-t-on demain Tony Abbott faire campagne sur le thème creux, mais politiquement payant du ‘Vote for Change’, invention obamanienne récupérée sans vergogne par David Cameron au Royaume-Uni ? L’opposition semble plus sage que bien d’autres sur ce point et a le mérite de vraiment présenter une alternative, un luxe dont nombre d’électeurs sont privés en Europe occidentale. La Coalition, malgré son aspect hétéroclite, est porteuse d’un certain nombre de valeurs : patriotisme, responsabilité individuelle, solidarité nationale, Etat de droit, ordre et sécurité, refus des idéologies pseudo-écolo-socialistes, politique d’assimilation, opposition au chaos multi-culturaliste et pragmatisme économique ((http://www.liberal.org.au/)). La Coalition se veut une cathédrale réunissant plusieurs Eglises en son sein, elle soude ses adhérents autour d’un noyau dur de valeurs en leur laissant le loisir d’élaborer dans la direction de leur choix, d’où une aile conservatrice et une aile libérale, la première étant clairement dominante. Tony Abbott est lui-même un conservateur et un homme de convictions, lesquelles ne sont pas toujours populaires du fait de ses liens étroits avec le Saint-Siège, mais induisent du respect pour cet homme énergique, volontaire et empreint de morale. Un homme affable qui fait partie d’une brigade volontaire de pompiers, fait des dons réguliers à diverses œuvres caritatives et se caractérise par son discours politique cohérent et percutant. Le personnage demeure néanmoins loin derrière Julia Gillard en termes de popularité en tant qu’individu (indépendamment des sondages concernant les intentions de vote pour les partis), mais continue de progresser. Cela sera-t-il suffisant pour faire de l’administration actuelle un gouvernement à mandat unique (ce qui serait sans précédent depuis la défaite du travailliste Scullin en 1931) ? Une élection fédérale générale sera tenue avant le 26 avril 2011, Julia Gillard devra alors demander au Gouverneur-Général d’Australie de dissoudre la Chambre des Représentants et devra faire campagne afin de prouver qu’elle est capable (ou non) de recueillir la sanction populaire, seule garante de la légitimité de tout chef de gouvernement australien.



2 commentaires

  1. Guillaume Coulon dit :

    Je souhaitais réagir à cet article, très bien documenté et informé sur le contexte économique et politique australien. Il est d’ailleurs fort probable que son rédacteur (ou sa rédactrice) ait passé quelques temps en Australie pour en dresser un tableau aussi exhaustif et précis…

    En revanche, son auteur adopte une grille de lecture délibérément politisé pour lire les différents évènements de la politique australienne (en l’occurrence en suivant scrupuleusement les idées portées par ‘The Coalition’, une droite très conservatrice et nationaliste). Ce qui résulte in fine sur une vision biaisée de l’Australie et sur une analyse injuste du mandat de Rudd.

    Ayant moi-même passé une année en Australie, j’ai eu l’occasion de suivre l’évolution (agitée) de la vie politique australienne. Je vais tenté de rester bref dans mes propos et c’est pourquoi je vais décliner en quelques points les éléments sur lesquels je suis en complet désaccord avec l’auteur de l’article:

    – la politique extérieur (suiveur aveugle des USA) de J.Howard a été une catastrophe sur le plan diplomatique avec les alliés asiatiques.
    1)Comme indiqué dans l’article,les débouchés asiatiques sont cruciaux pour l’économie asiatique et la concentration sur une vision court-termiste de Howard dans sa gestion des finances publiques ne revêt absolument aucune importance si à côté de cela, il s’attire la foudre de ses alliés les plus importants sur le plan stratégique et économique.
    2) Les australiens doivent leurs bourbiers afghans et irakiens à notre cher Howard que l’auteur de l’article semble porter aux nues. C’est un peu comme reprocher à Obama la politique de Bush. Sortir d’une guerre et bien plus difficile que d’y rentrer en brandissant des idées néo-conservatrices (reprises en choeur par ‘The Coalition’)

    – C’est le lobby du secteur minier qui a eu la peau de Kevin Rudd en tant que Premier ministre.
    Puisque l’auteur semble avoir bien travaillé sa macroéconomie à Sciences Po et connait bien l’économie australienne, il doit savoir que la Mining Tax (en plus de rapporter un surplus fiscal à l’Etat qui aurait servi pour soulager les plus faibles en ces temps de crises et stimuler des pans de l’économie en devenir) avait surtout pour but de maitriser la croissance exponentielle du secteur minier qui apporte des profits énormes à l’Australie mais surtout crée une inflation ‘artificielle’ pour le reste de l’économie et donc dégrade un déficit commercial déjà mal en point.
    Ne supportant pas ce nouvel impôt, le lobby de l’industrie minière s’est allié avec The Coalition (parti opportuniste s’il en est) pour détrôner Kevin Rudd et installer Julia Gillard (tout aussi opportuniste) qui avait promis de revenir sur cet impôt ‘en renégociant’.

    – Contrôle des frontières.
    Évidemment, l’Australie, terre d’immigration par excellence, doit aussi comme tout autre pays contrôler ses frontières. Mais stimuler les craintes du peuple australiens de façon populiste comme le fait The Coalition n’apporte rien aux débats. En effet, certains de ses membres n’ont pas hésité à qualifier les immigrés clandestins à des ‘espions de Al-Quaeda’.

    Vous remarquerez donc que l’alternative proposée par The Coalition et apparemment soutenue par l’auteur de l’article n’est guère enthousiasmante…

    Plus de détails sur le contexte politique australien: http://www.affaires-strategiques.info/spip.php?article3752

  2. Southern Cross dit :

    Si j’ai employé une grille de lecture, ceci est aussi le cas du dernier commentateur qui adopte la position inverse, je pense donc que cette critique est inopérante. Je n’ai jamais prétendu être objectif, car je sais que cela est impossible (malgré les affirmations des bonnes âmes se voulant impartiales).

    J’ai effectivement passé du temps en Australie, pays que je considère pratiquement comme mon futur pays d’adoption.

    La Coalition n’est pas si conservatrice que tu le suggères, le fait même que le groupe principal en son sein, les Liberals, porte ce nom est en soi explicite (il s’agit de libéraux de droite). Ceci étant, il est vrai que la Coalition est très différente de ce que les Liberals étaient sous Malcolm Fraser et se conservatise de plus en plus, une tendance que j’approuve et que le peuple australien semble valider.

    Avant de passer à la suite, je remarque que le seul point du mandat de Rudd que tu contestes vraiment (en le faisant passer pour positif) est la taxe minière, tu m’accuses d’en avoir une vision injuste, mais tu ne t’es néanmoins pas appliqué à me prouver le contraire sur beaucoup d’autres aspects: home insulation programme, ETS, stimulus, etc.

    John Howard, maintenant. Je n’ai jamais porté John Howard en tant que tel aux nues, j’approuve sa gestion économico-financière, très largement le fait de son talentueux trésorier Peter Costello, du pays, cela ne veut pas dire que j’approuve la totalité de sa politique, a fortiori que je porte le personnage au panthéon, comme tu le suggères. Je pense que la politique d’immigration de l’Australie a sérieusemment dérivé au cours des dernières années de son mandat pour devenir bien trop massive (entre 250000 et 300000 personnes par an). Pour ce qui est des bourbiers afghans et irakiens, où as-tu vu que je les soutenais ? En ce qui me concerne, je demeure largement sceptique de ces guerres, je les crois inutiles et coûteuses en vies et en moyens financiers qui seraient mieux employés qu’à essayer de s’imposer dans des pays que nous ferions mieux de laisser se gérer seuls. Ceci étant, le fait que Rudd n’est pas lancé lui-même les hostilités en premier ne l’excuse pas de ne pas avoir fait rapatrier les soldats australiens présents là-bas, tout comme cela n’excuse pas le prix Nobel américain…

    Je n’ai pas mentionné les relations avec les pays asiatiques, j’aurais pu le faire, mais l’objet de mon article n’était bien entendu pas l’exhaustivité. Ceci étant, si l’Australie dépend beaucoup de ces pays pour son commerce, notamment du Japon et de la Chine, ces pays ont également besoin d’elle pour des denrées alimentaires et, surtout pour la Chine, l’uranium, il serait à vrai dire assez aisé pour l’Australie de faire pression par ce biais (certains précédents existent déjà). La demande vorace en minéraux de la Chine accentue d’ailleurs la position australienne. C’est ton tour d’être injuste, car si les relations australo-asiatiques n’ont certes pas été le fort de John Howard, elles ont à peine été meilleures sous l’éphémère Rudd, lequel parle certes couramment mandarin mais s’est aliéné les Chinois avec ses commentaires en version originale sur leur application des droits de l’homme. En ce qui me concerne, John Howard a été un bon premier ministre, beaucoup le reconnaissent maintenant, y compris des travaillistes qui se sont souvenus que leur position sur la relance a été permise par les surplus accumulés sous Howard. Cela ne veut pas dire que j’adhère inconditionnellement au personnage ou que je suis nécessairement satisfait de la Coalition que je trouve encore bien trop molle et consensuelle, même si en voie d’amélioration.

    Pour ce qui est du secteur minier, ton approche est simpliste, voire simplette au possible si lever un impôt augmente généralement les recettes fiscales, cela n’est pas systématique, car les entreprises pourraient fuir et priver l’état de ces recettes (comme une courbe de Laffer élémentaire en attesterait puisque nous sommes dans la macroéconomie). En l’occurrence, l’Australie se maintient dans la demande chinoise du fait d’une bonne compétitivité dans le secteur minier, son concurrent le plus immédiat est le Brésil, lequel n’a pas les mêmes desseins, mais pourrait dépasser l’Australie, car tu peux être certains que la nouvelle imposition serait répercutée sur les prix de vente et l’imposition des entreprises est déjà traditionnellement élevée en Australie. La difficulté est tellement profonde sur le sujet qu’elle a pratiquement mis à bas Rudd à elle seule avant que Gillard ne sonne l’hallali et ne poignarde son mentor. Tu reconnais ce fait toi-même: « c’est le lobby du secteur minier qui a eu la peau de Rudd », j’ajouterais aussi une combinaison d’échec, notamment sur l’ETS. Quant aux problèmes d’inflation, ils n’empêchent pas une progression des salaires suffisante pour plus que compenser la tendance ni ne nuisent à une croissance réelle qui est la plus haute d’Occident cette année. Merci de laisser les monétaristes s’amuser à détruire la zone euro au lieu de les envoyer en Australie. Quant au déficit commercial, je n’ai nulle part nié qu’il constitue l’une des seules ombres au tableau, mais en l’occurrence, il serait encore plus profond sans les exportations minières et agricoles notamment.

    La Coalition a déjà fait montre de sa capacité à contenir les « chercheurs d’asile » connus sous le nom de « boatpeople », elle a un bilan en la matière, cela n’est pas le cas du Labor dont les niveaux d’immigration ne sont plus faibles que par la conjoncture internationale. Cependant, je répète ; je ne soutiens pas la Coalition à 100%, j’aurais probablement voté pour elle au cours de la dernière élection, mais cela n’implique pas une adhésion totale. Elle demeure encore trop éloignée de ma version du conservatisme. Je remarque d’ailleurs, encore une fois sur ce journal en ligne, des connaissances un peu floues et mal ordonnées sur les différents du conservatisme. Confondre la Coalition avec un courant conservateur est une erreur grossière, mais mes condisciples ont déjà tellement l’habitude de ne pas faire la différence entre des paléo-conservateurs, conservateurs traditionnels, néoconservateurs et autres, que je ne m’en offusque déjà plus.

    Toujours est-il que je respecte tes points de vue sur la question, même si je ne les partage manifestement pas. Ma grille de lecture est politisée, mais je ne vois pas où est le problème ici, c’est assez évident à me lire et mes interventions sur différents articles ont déjà bien montré où je me situais. Je suis autant habilité que toi et les autres à faire valoir mes opinions. En tout cas, je suis déjà satisfait de discuter avec quelqu’un qui connaît et, apparamment, aime l’Australie, c’est tellement rare !


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