Merci professeur !

L'Académie française

L'Académie française


D’aucuns connaissent peut-être (encore faut-il regarder TV5) cette charmante émission présentée par Bernard Cerquiglini, linguiste renommé, docteur en langue française (et non ès langue française). Celui-ci, sous un air de vergogne et de bonhommie, connaît aussi bien les subtilités de la grammaire que les méandres délicieux de l’orthographe et nous prodigue des leçons simples à retenir. Vous ne connaissez pas le lien entre crétin et chrétien ? Ignorez-vous qu’il n’existe pas de « h » aspiré en français ? Galvaudez-vous la majuscule comme nos voisins anglais ? Accentuez-vous les majuscules ? Monsieur Cerquiglini vous intéressera à tous ces petits détails qui vous conduiront, comme il aime à le dire, à ne plus « craindre d’être un peu puriste, à bon escient du moins ». Depuis bien longtemps déjà, je suis tout excité à chaque fois que j’apprends un nouveau mot, fébrile lorsque je prends mon dictionnaire, émoustillé lorsque je découvre une règle de grammaire jusque-là inconnue, tout esbaudi lorsque je lis bien accordé « ma feue ((En revanche, si l’adjectif est placé devant le nom, il est invariable, d’où : “feu ma mère”. Impressionnant, non ?)) mère » et proche de la jouissance lorsqu’une de mes connaissances emploie congrûment l’imparfait du subjonctif. Un de mes meilleurs souvenirs (j’exagère un tantinet pour la cause) remonte à la première fois où j’ai lu le mot « porphyrogénète » ((Littéralement, « né dans la chambre de pourpre impériale ».)), un mot qui ne s’oublie pas facilement et que j’ai lu deux fois en tout et pour tout dans ma vie.

Les « mots en voie de disparition »: circumambulation, cellicole ou lagoétie.

Pourtant, tant s’en faut (et non loin s’en faut) pour qu’une majorité d’entre-nous (je me comprends dans le lot) écrive et parle correctement la langue de Molière et c’est d’émissions telles que celle que je viens succinctement de vous présenter qu’il faut promouvoir. Pour finir, je vous propose (parce qu’un article d’une demi-page ne fait pas sérieux), pour le plaisir, un petit échantillon de mots à sauver, ou selon le jargon du professeur Rollin ((Cf. Les Grands mots du professeur Rollin chez Plon (2006))), de mots en voie de disparition qui pourront sans doute vous aider dans votre vie quotidienne.

La circumambulation, mot indispensable qui vous servira au moins une fois par semaine puisqu’il s’agit de la pratique magico-religieuse qui consiste à faire le tour d’un emplacement, d’un objet, d’une personne ; mot très employé à ne pas confondre toutefois avec lagoétie ((Science de l’examen des entrailles.)) ou l’haruspicine ((Magie incantatoire par laquelle on invoque les esprits malfaisants.)). Comment ? Cela vous n’arriverez jamais à le replacer dans une de vos discussions ?

Peut-être que l’adjectif très usité de cellicole (qui habite dans les caves) vous sera alors plus utile, si toutefois vous ne le confondez pas avec le substantif célicole ((Si cela vous intéresse, sachez qu’il convient plutôt de dire sélénien pour les habitants de la Lune.)), habitant du ciel ((Attention, pour celui qui « vient » du ciel, il vaut mieux dire habitant supernel.)). Toujours pas satisfait ? Vous êtes du genre difficile.

Et si je vous disais que le mot aménité signifie amabilité pleine de charme, mais qu’au pluriel, des aménités (ironiquement) sont davantage des paroles blessantes, ça vous emboucherait un coin ? Même pas ?

Parlons alors politique et ne me dites pas que cela ne vous concerne pas… On pourrait parler de la ragusade d’Eric Besson, des palinodies de Nicolas Sarkozy, ou de ses contempteurs, mais faisons un peu d’étymologie avec le terme godillot. Vous  connaissez le mot, mais connaissez-vous son origine ? Du nom d’Alexis Godillot, fabricant de brodequins ((Ici, chaussure militaire à tige courte en usage dans l’infanterie jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.)) militaires, se dit par métonymie, d’après le dictionnaire de l’Académie française ((Et non Académie Française comme on peut le voir souvent écrit. En revanche, il faut écrire Comédie-Française.)), d’une personne qui suit les consignes sans discuter. Bref, si vous voulez le dire autrement, les godillots sont les docteurs idémistes ((Ceux qui, dans les assemblées, se contentaient d’opiner du bonnet et de dire (vous vous en doutez) idem, sans apporter de raison.)) de jadis (pas sûr que ce soit plus compréhensible).

Voilà, je ne vais pas continuer, car la parcimonie, comme dit mon maître à  penser Cerquiglini, est la plus grande des vertus. Nous verrons peut-être la prochaine fois le sens du verbe investir qui n’est pas celui auquel on pense, la distinction entre dont et duquel, et si nous avons le temps, le chant neumatique qui n’est pas pour autant mélismatique. Je vous laisse toutefois avec un peu de conjugaison :

Tu pipi (invariable).
Il pipi (invariable).
Nous pissons.
Vous pi virgule 1416z (le seul cas où l’on utilise des chiffres pour noter une conjugaison).

Ils quadraturent du cercle (sans traits d’union).

(Raymond Queneau in Bizarre n°27 du premier trimestre 1963)

Charles Driant – Sciences Po Strasbourg



5 commentaires

  1. Martino dit :

    J’espère que cet article est écrit au second degré. Je n’ai en vérité pas réussi à le savoir mais je l’espère profondément tant le caractère pédant et élitiste du papier est exagéré.
    Parler de la conservation par le Français moyen de certains mots inconnus se rapproche de la plaisanterie alors même qu’un bon pourcentage de jeune ne sait pas accorder un verbe avec le sujet.
    Un bon texte d’intellectuel de gauche.

    • Vincent dit :

      On reproche continuellement à la gauche de laisser dépérir le français et d’être laxiste vis à vis de l’orthographe et de la beauté de la langue (en acceptant son évolution naturelle), et quand quelqu’un la défend, tu le traites d’intellectuel de gauche. Étrange, le conservatisme linguistique est plutôt une valeur de droite.

      Mais peut être que traiter quelqu’un « d’intellectuel de gauche » est devenu un argument à lui tout seul et ton attaque favorite :p

  2. Martino dit :

    C’est effectivement une attaque que j’aime bien.
    Je suis content que tu dises ça parceque c’est exactement la réflexion que je me suis faite en écrivant ce petit commentaire. Il y a un espèce de paradoxe parmi ce que j’appelle les intellectuels de gauche. D’une part ils acceptent que la plèbe laisse la langue dériver. Ils l’encouragent même en prônant une transformation des classes en laboratoires ridicules. Mais d’autre part ils continuent globalement de défendre la littérature et la culture.

  3. Au risque de casser toutes ces envolées lyriques, je crois que l’auteur de l’article est loin d’être un intellectuel de GAUCHE. Intellectuel certainement, la suite moins. Je trouve l’article assez intéressant et peut-être qu’un jour je zapperai de Tf1 vers TV5.

    Philou

  4. Martino dit :

    ok je retire le « de gauche » 🙂


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