PS : une stratégie primaire

Alors que le gouvernement s’enfonce dans des sondages désastreux et que les « affaires » se succèdent, soldant peu à peu le passif de l’« État RPR » dont François Fillon a pourtant réhabilité les derniers grognards lors de la composition de son troisième gouvernement, le sort du Parti Socialiste ne semble être guère meilleur.

Petits meurtres entre amis pour 2012

Faute d’avoir autre chose à se mettre sous la dent, les commentateurs sont désormais focalisés sur l’échéance présidentielle de 2012 et les « petits meurtres entre amis » qui ne manqueront pas de jalonner l’année 2011. Déjà, les premiers sondages annoncent une victoire très nette du candidat socialiste, quel qu’il soit, à la prochaine présidentielle.

La grande question qui agite le microcosme parisien est désormais celle des chances du Président sortant, chances dont plus grand monde ne donne cher, y compris au sein de la majorité actuelle, où l’on se dispute déjà les strapontins pour 2017, voire 2022. Il est certes peu avisé de tirer des plans sur la comète deux ans avant l’échéance, alors que ces deux années pourraient employées plus utilement à traiter les problèmes de la France qu’à faire un casting politique.

C’est malheureusement dans cette dernière démarche que se sont engagés les « éléphants » socialistes. En faisant explicitement ou implicitement acte de candidature aux primaires, ils ne sont pas moins de quatre à lorgner sur l’investiture et l’Elysée ! L’éditorialiste d’aujourd’hui, plus « Voici » que « La Revue des deux mondes », ne peut que s’en réjouir.

Tout à ma gauche, « Arnaud le Bourguignon » qui n’a toujours pas digéré le congrès de Dijon ; à ma gauche, « Martine la Nordiste » qui rêve de dépasser le père . À ma droite, « Dominique le citoyen du monde » ; un peu partout, « Ségolène la Poitevine ».

Ce panel non encore exhaustif s’apprête donc à courir les plateaux et les studios, en quête de la «petite phrase » ou du «dérapage » qui fera l’effet d’une onde de choc dans les rédactions et les bureaux, mais dont nul n’aura cure en­ dehors. Tout ceci résulte en fait d’une procédure ­ volontairement ­ inachevée. En projetant d’étendre les primaires à l’ensemble des sympathisants de gauche tout en voulant s’accaparer la nomination, les éminences grises de la rue de Solférino cherchent à valoriser leur unique point fort : le siphonage des alliés.

Martine Aubry a beau jeu de dénoncer une dérive clanique à droite, mais elle remet au goût du jour le Parti Socialiste des années 1990, c’est-à-dire une formation où le combat des chefs et les intrigues priment sur tout le reste et qui laisse systématiquement à la droite l’initiative lors des campagnes présidentielles

Martine Aubry a beau jeu de dénoncer une dérive clanique à droite, mais elle remet au goût du jour le Parti Socialiste des années 1990, c’est-à-dire une formation où le combat des chefs et les intrigues priment sur tout le reste et qui laisse systématiquement à la droite l’initiative lors des campagnes présidentielles. Cinq échecs sur les six dernières élections nationales n’ont visiblement pas suffi à bouleverser les habitudes qui prévalent rue de Solférino. Si l’on admet l’hypothèse d’un duel entre Nicolas Sarkozy et Dominique Strauss­-Kahn, cela laisse entrevoir un duel où la différence se fera davantage sur la campagne que sur le débat d’idées, tant le second protagoniste incarne un socialisme délavé. Dans une telle situation, le Président aurait un net avantage sur un adversaire peu charismatique.

En resservant ce cocktail pourtant maintes fois sanctionné par les électeurs, le PS se prépare à offrir un second mandat à Nicolas Sarkozy sur un plateau d’argent. Élu pour réformer, réélu par défaut, tel semble être le destin très chiraquien de notre président. Que depuis trente ans les sondages faits dix-huit mois à l’avance aient à chaque fois été démentis par les électeurs n’arrange rien à l’affaire.

Un parti dans l’impasse

Le réel problème de fond qui se pose au PS est qu’il doit aujourd’hui faire face à deux difficultés majeures : le renforcement de sa situation de «parti de notables » et le rétrécissement de sa base électorale, désormais concentrée dans les centres-villes. À plus forte raison, ses projets politiques débordant faisant poindre une société de l’assistanat généralisé sont d’une crédibilité douteuse. Le texte sur l’égalité réelle en  particulier est d’une naïveté qui prêterait à sourire s’il ne s’agissait pas d’un document officiel. De telles orientations constituent un handicap dans une France morose où les projets idéalistes trouvent de moins en moins grâce auprès d’un électorat vieillissant – ce qui constitue en soi un autre handicap de taille.

On pourra toujours objecter que le PS a remporté les dernières élections régionales, mais cela s’explique davantage par les thématiques en jeu et l’aspect « défouloir » que revêtent les élections locales depuis le début de la décennie que par un réel attrait du PS. Le triomphe de feu Georges Frêche malgré la présence d’une liste socialiste concurrente en témoigne.

Entre le vieillissement de la population française et le déphasage croissant du PS avec la France profonde, la probabilité de le voir remporter la prochaine présidentielle est bien plus basse que ne l’indiquent les derniers sondages. Cependant, que les barons socialistes se rassurent : vu l’état dans lequel se trouveront les comptes publics lors de la prochaine présidentielle, mieux vaudra ne pas être aux affaires à ce moment­-là.

publié dans Controverses ((IEP Mag tient à souhaiter un très joyeux anniversaire à Controverses)) – Pierre Niocel ((L’opinion développée n’engage que son auteur et pas la rédaction)) – Sciences Po Aix

image © Parti Socialiste ((l’utilisation de cette image se fait au titre de l’article L513-6 du Code de la Propriété Intellectuelle))



1 commentaire

  1. […] Socialiste qui est pour l’instant, toujours en « désordre de bataille »(cf. l’article PS : Une stratégie primaire)  aurait l’opportunité de réaligner une équipe compétente et crédible, presque la Dream […]


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