Les élections « régionales » allemandes du 27 Mars 2011 : un séisme politique européen ?

Un auteur d’IEP Mag nous livre son analyse des élections  « régionales » allemandes du 27 mars derniers. Survenues dans un contexte international particulier, avec notamment en toile de fond l’accident nucléaire japonais, ces élections ont marqué l’ascension fulgurante des « Grünen », les verts allemands.

Le 27 mars 2011, en Bade-Wurtemberg et en Rhénanie-Palatinat, avaient lieu les élections « régionales » allemandes attendues aussi bien par la coalition gouvernementale et par l’opposition, que par les autres capitales européennes. Elles se déroulaient dans un contexte politique agité entre crise du nucléaire, démission gouvernementale, et non-intervention en Lybie. Le sujet du nucléaire occupait une place majeure, à la fois « tremplin » à l’écologie politique allemande et point de crispation pour la coalition au pouvoir.

La récente catastrophe de Fukushima, au Japon,  a eu un écho notoire.

En Bade-Wurtemberg, la CDU était majoritaire au Landtag depuis 1949, où elle gouvernait soit seule soit avec son alliée la FDP. Le « destin politique » de cette région, deuxième Land en termes de peuplement auquel le Bundesrat accorde 6 sièges, a donc un retenti national. La récente catastrophe de Fukushima, au Japon,  a eu, dans cette région frontalière de la France, un écho notoire. D’autant que si le moratoire de Madame Merkel a entraîné la fermeture de deux des quatre centrales nucléaires de la région, le ministre fédéral de l’économie et de la technologie, l’ancien vice-président du groupe FDP, Rainer Brüderle, a défini ce moratoire comme relevant « de la tactique politique » dans un discours devant le patronat de l’industrie nucléaire allemande.  Cette déclaration a jeté de l’huile sur le braiser qu’alimentaient le projet de Stuttgart 21 et la controverse du moratoire.

Les résultats électoraux ont entériné ce que les sondages annonçaient depuis près d’un an, à savoir le recul de la CDU (de 44% à 39%) et de la FDP (de 10% à 5%) et la remontée spectaculaire de Die Grünen (de 11% à 24%). L’Alliance de Die Grünen et de la SPD écarte la coalition CDU-FDP du « pouvoir régional » et bouleverse ainsi la tradition politique bade-wurtembergeoise. Cette situation marque également le triomphe de l’écologiste Winfried Kretschmann, personnage atypique de la mouvance verte. En effet, l’homme s’avoue conservateur dans ses choix de vie comme dans son positionnement politique. A contrario de ses amis politiques, il estime l’écologie parfaitement soluble dans le capitalisme. Ce mélange détonant a, dans les urnes, convaincu une partie de l’électorat de la région. Reste à savoir si cette vague écologique passera la frontière du Land et du Rhin.

Ces élections consacrent « Die Grünen » comme la troisième force de l’assemblée.

La situation de la Rhénanie-Palatinat apporte une première réponse, puisque Die Grünen a presque quadruplé son score électoral (de 4% à 15,4%), forçant la SPD et son chef, Kurt Beck, dit « Le Roi Kurt » en raison de la détention de la majorité des sièges par son parti depuis près de quinze années, à former une coalition rouge-verte. La CDU a su se maintenir, mais le FDP, comme en Bade-Wurtemberg, a essuyé un échec cuisant, en sortant du Parlement régional.

En Allemagne, le séisme politique  de Stuttgart s’est ressenti à Berlin. En effet, la coalition, déjà fragilisée, réfléchit à se refonder autour d’un nouveau chef. Cette volonté sera difficilement applicable, certains des ténors de la CDU disqualifiés par les échecs régionaux, d’autres en poste à Bruxelles ou à Luxemburg moins proches des questions de l’actualité. Au sein de la FDP, fondée en Bade-Wurtemberg, le mandat de Guido Westerwelle, ministre des affaires étrangères, est remis en question sur des questions de fond comme de forme.

Ces élections ont, enfin, modifié la répartition des sièges au Bundesrat, où la majorité CDU n’était que relative. Elles consacrent Die Grünen comme la troisième force politique de cette Assemblée, dont le consentement est nécessaire pour l’adoption des lois fédérales. On peut, dans une certaine mesure, parler de « cohabitation a minima » qui hisse Die Grünen du rang d’opposant à celui de dirigeant.

En France, les élections cantonales ont moins mis en évidence cette vague écologiste, en raison du mode de scrutin à deux tours. Néanmoins, dans les régions frontalières, comme dans le Haut-Rhin – dont est issu le premier écologiste français, candidat aux élections législatives, Henri Jenn, en 1973 -, on observe l’arrivée au Conseil général de plusieurs conseillers écologiques, témoin d’un écho étranger et pourtant si proche.

Pierre Manenti

Sciences-Po Strasbourg




1 commentaire

  1. Estelle Fée dit :

    Article concordant totalement avec l’épreuve d’allemand du concours d’entrée à sciences po Paris de cette année. Le graphique à commenter traitait exactement de la nette progression des verts aux élections.


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