Séguin, putain deux ans !


« Il ne suffit pas d’avoir de l’appétit. Il faut aussi avoir de l’estomac » disait-il. De l’estomac, Séguin en avait. De l’appétit, pas suffisamment. Il passa à côté de son destin, celui de devenir Président. Il avait à la fois le talent oratoire et la rigueur intellectuelle, le rejet de l’idéologie dominante et la conscience de son époque. Le refus d’une Europe dont il avait prédit l’échec malgré les injonctions des cabris maastrichtiens. Mais il incarnait aussi l’humanisme, fondement de son engagement en faveur de l’abolition de la peine de mort aux côtés de Robert Badinter et de Jacques Chirac.

Jacques Chirac, justement, avait un appétit insatiable. Son ambition dévorante ne s’appuyait sur un aucun corpus idéologique précis. Séguin lui a donc fait sa campagne de 1995. Il lui a prêté un estomac. Son estomac. C’était nécessaire pour encaisser les coups des adversaires acquis à Balladur, celui dont l’appétit et la suffisance hautaine étaient proportionnellement inverses à ce qui lui servait de trippes. Entre la soupe 3 légumes et la tête de veau, il y a effectivement un monde.

Séguin avait la carrure mais n’eut jamais l’opportunité de la mettre à profit lors d’une présidentielle. Juppé lui vola Matignon en 1995, Pasqua et Villiers lui firent mettre pied à terre aux européennes de 1999, Chirac l’acheva lors des municipales de 2001. Séguin a avalé les couleuvres et les a digérées. Il quitta la vie politique et devint un premier Président de la Cour des Comptes craint et apprécié de tous. Mais l’Histoire ne repasse pas les plats. De toute façon, Séguin n’avait plus faim. Plus envie de se battre pour l’ « autre politique », celle qui aurait pu rassembler les républicains des deux rives, de Chevènement à lui-même. Plus le courage pour affronter le déclin et la bêtise contemporaine.

Séguin se moquait de ceux qui n’avaient pas les moyens de leurs ambitions. Et comment ne pas railler ces dirigeants qui aspirent au « toujours plus » sans comprendre que leurs faibles capacités les en empêcheront à jamais. De ces équipes de foot qui déclarent vouloir tout gagner en début de saison, avant de se retrouver relégables en fin de championnat. De ces étudiants qui se fixent des objectifs audacieux sans accepter l’ascèse que cela représente pour y parvenir. Sans évoquer Félix Faure, « celui qui voulait être César et ne fut que Pompé(e) »…

Il est donc essentiel de ne pas avoir les yeux plus gros que le ventre. Même si, toutes choses étant égales par ailleurs, l’appétit vient en mangeant.

François Petaux

Sciences Po Bordeaux – 3A

 



2 commentaires

  1. Lillois dit :

    Il est de bon ton de critiquer « le déclin et la bêtise contemporaine ». Il est préférable de le faire sans fautes d’orthographe.

    Correcteurs, à vos plumes.

  2. Strasbourgeois dit :

    On est obligé de lui reconnaitre une certaine continuité, même s’il a clairement laissé passer sa chance…
    Quand on voit comment les défenseurs de la souveraineté sont éparpillés par petits bouts, façon Puzzle, on regrette que personne n’arrive à le reconstituer.


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