L’observatoire des séries: Le temps des godes est révolu

Votre chroniqueuse série préférée d’IEPMag (et désormais au Huffington Post) revient dans son dernier article (et grâce à un magnifique jeu de mot douteux) sur l’hypersexualisation des séries TV. 

Bienvenue dans l’ère True Blood, Carrie Bradshaw.

Pour les néophytes, Carrie est l’héroïne de Sex And The City, la série de HBO qui avait choqué l’Amérique entière (enfin, ceux qui avaient le câble) en parlant sans « tabous » de sexe et tout ce qui l’accompagne. En effet, pas de vie intime pour les quatre trentenaires/quadra de New York qui arrivent à avoir chacune une couleur de cheveux différente ; on parle aussi bien de MST que d’homosexualité ou de positions improbables sans oublier de mentionner le célèbre Rabbit, que la déontologie m’empêche d’illustrer en photo ci-dessous mais que le lecteur aura grand plaisir à Googler.

SATC (abréviation pour les connaisseurs ou juste pour toutes les filles qui ont regardé ne serait-ce qu’un épisode), a fait l’effet d’une bombe en 1998, et a invité de nombreuses séries à jouer sur le même créneau. Cependant, si comme moi vous vous êtes mis à SATC un peu tardivement (oui, l’année dernière), vous avez pu vous réaliser à quel point la série est totalement dépassée par l’hypersexualisation des médias actuels (j’ai toujours rêvé d’utiliser hypersexualisation comme tous les journalistes hypes d’Enquête Exclusive, maintenant c’est fait) (« Mensonges, trahisons, alcool, drogue et hypersexualisation, les dessous de la série l’Ile aux Enfants. »).

En d’autres termes, Sex And The City, ça ne casse pas trois godes à un canard.

Certes, de nos jours, les séries des networks (ABC, CBS, NBC et FOX) ne s’embarquent que très rarement dans le dévoilage d’une fesse ou d’un sein, et on s’étonne encore grandement quand de nouvelles séries utilisent un langage plus cru que celui auquel ces chaînes nous avaient habituées (Two Broke Girls, Are You There Chelsea, les multiples blagues grivoises de Barney Stinson ou encore l’humour trash de South Park).

Pourtant, cette pudeur de la part des networks a lancé les chaînes câblées (AMC, HBO, Showtime, FX, Starz) dans une escalade récente à ce qui se fait de plus « osé » à la télévision américaine aux heures de grandes écoutes.

La violence et le sexe font vendre, c’est bien connu. Showtime et HBO l’ont remarqué en premier ; c’est en utilisant à bon escient ces ingrédients qu’elles réussissent à produire des séries plus complexes, plus réalistes et plus intelligentes que celles des networks.

Ainsi de nos jours, quand une série sort sur le câble, on sait que l’on peut s’attendre à tout.

Evidemment, lorsque le titre annonce la couleur, comme dans Californication (Showtime), on est relativement assuré de voir une bite de temps à autres qui passait par là. Ladite série qui joue d’ailleurs à fond la carte du « sans tabou » n’hésite pas à nous faire croire que tout le monde en Californie est super open avec sa sexualité et qu’il n’y a pas de raison qui empêcherait de parler de la stimulation de la prostate autour d’un bon dîner entre copains (S05E04) (ou bien environ un épisode par saison qui met en scène ce genre de repas).

Dans le même genre, il est évident que Christian Troy de Nip/Tuck (FX) n’a jamais mis les pieds à Strasbourg, parce que contrairement à Miami (ou LA à partir de la saison 5) il s’y trouve beaucoup moins de jeunes/vieilles/minces/défigurées/grosses/belles filles qui révéraient de s’envoyer en l’air avec le chirurgien qui a fourré son scalpel dans leurs entrailles (quelle double-métaphore subtile digne d’un Harlequin !). On trouve à mon avis aussi beaucoup moins de femmes motivées pour se faire prendre en levrette avec un sac en papier brun sur la tête, mais je ne dispose pas encore de statistiques précises sur la question. J’en appelle à des volontaires pour le lancement d’un questionnaire de rue afin de répondre à ces interrogations nécessaires au bon développement de cet article.

Au final, celle qui a le plus fait exploser les scores du ridicule « sex is everywhere » est bien The L Word (Showtime), qui essaie tout de même d’affirmer comme véridique l’idée selon laquelle à chaque coin de rue à Hollywood une lesbienne est prête à vous sauter dessus et vous rouler une pelle dans les toilettes d’un café (n’importe lequel, ils marchent tous). De ce fait, on apprend deux choses qu’on ignorait ; toutes les femmes que les 492 personnages féminins de la série rencontrent sont de grosses lesbiennes/bi en manque de sexe ET elles vont toute passer à la casserole en moins de deux épisodes, parce que sinon ce ne serait pas crédible.

 

D’autres séries explorent ce sujet de manière plus intéressante et sans en rajouter.

En réalité, ces titres en vrac sont des exemples extrêmes de séries qui ont surexploité la libéralisation du sexe à la télévision, car d’autres explorent ce sujet de manière plus intéressante et sans en rajouter. Il suffit de regarder Dexter ou Nurse Jackie (Showtime pour les deux), dans lesquelles les scènes érotiques ne sont ni rares ni censurées, mais qui font partie intégrante de l’histoire (Dexter et ses problèmes d’intimité ou Jackie qui trompe son mari pour des « coups de cinq minutes » dans un labo le plus souvent fermé à clé) et permettent au téléspectateur de se sentir plus proche du protagoniste sans pour autant être surexcité d’avoir vu un bout des fesses de Michael C. Hall (bien que…). Ce dernier s’était d’ailleurs déjà essayé à ce genre de scènes dans Six Feet Under, qui ne lésinait pas sur les moments intimes sans donner l’impression de le faire pour attirer une part d’audience en plus.

Ce phénomène est pourtant bien réel, et même en reconnaissant l’immense qualité de certaines œuvres, il est évident que des séries comme True Blood (HBO) ou Game of Thrones (HBO) ciblent délibérément un public plus masculin (adulte épanoui ou jeune geek puceau) que celui de Nurse Jackie ou The Big C, et ainsi n’hésitent pas à montrer plus de sexe qu’il n’en faut, juste pour les attirer et les faire fantasmer.

J’en ai déjà parlé à maintes reprises, mais True Blood n’a pas fini d’en faire voir de toutes les couleurs à ses fans ; vampire qui couche avec un vampire, vampire qui couche avec une humaine-fée-wtf?, femme vampire qui mord un humain, loup-garou qui se tape un loup-garou, panthère-garou-lmaof qui viole un humain, sexe homo, sexe hétéro, sexe à trois, sexe à mille, en se contorsionnant, en utilisant sa force surhumaine ou son pouvoir de télékinésie, bref il est rare que les scénaristes ne profitent pas des qualités de ces êtres extraordinaires pour faire monter la tension sexuelle jusqu’au premier échelon sur l’échelle des thèmes abordés en priorité par la série. Evidemment, sucer le sang est une métaphore, il suffit de regarder un épisode de la série pour s’en rendre compte. Mais alors, pourquoi les créateurs ont-ils eu tant besoin d’en rajouter ? L’audience, mon petit. A côté de True Blood, les scènes passionnelles entre Dexter et Lila dans la saison 2, c’est Bienvenue chez les Schtroumpfs. Et ça marche.

Ca marche autant que Game of Thrones, qui est devenue en un an un « must-see » pour tout fan qui se respecte. Evidemment, cette dernière est d’une qualité sans précédent en matière de « série historique » et n’a rien à voir avec l’excès dans lequel est tombée True Blood, mais sur Internet, les vidéos de la série qui sont les plus vues sont tout de même les scènes de sexe entre la blonde écervelée (mais qui a quand même des dragons à son service donc personne n’ose plus lui dire Ta Gueule) et le gros barbare qui passe sa vie torse nu pour montrer ses muscles qui la prend par derrière sans trop lui demander son avis.

La violence et le sexe font vendre.

Il a donc deux manières d’appréhender ce phénomène ; on peut imaginer que ce n’est qu’un artifice pour engrener un maximum d’audience avide de scènes de cul, lassée d’aller sur JunglePorn et qui aimerait bien pouvoir combiner visionnage de série et engrangement d’images assez excitantes pour pouvoir s’en souvenir à des moments plus propices.

D’un autre côté, on peut aussi simplement se rendre compte que cette libération de la représentation du sexe dans les séries télévisées a été extrêmement bénéfique pour ces dernières et ne fait que les rendre meilleures, lorsque celui-ci est utilisé avec parcimonie. C’est un fait, les séries du câble sont des réelles œuvres d’art qui n’ont rien à envier à des films créés pour le grand écran.

De plus en plus, certaines séries se focalisent d’ailleurs délibérément sur le sexe, mais moins dans un but comique que pour l’utiliser en tant qu’élément central de l’histoire.

C’est le cas de Secret Diary of A Call Girl (ITV2) dans laquelle Billy Piper nous raconte sa vie d’escort girl et ses rencontres avec des clients tous plus étranges les uns que les autres. C’est aussi une des caractéristiques de Hung (HBO) (ou aussi appelé Le Réjouisseur au Québec, il fallait le mentionner) qui met en scène un coach de baseball qui se prostitue afin de s’en sortir financièrement, et qui montre les difficultés du héros (étonnant) à concilier sa nouvelle carrière de gigolo avec sa vie « privée ».

Tout récemment, deux séries françaises (oui !) sont également venues ajouter leur petite pierre à l’édifice, Hard (Canal+) et Xanadu (Arte). Dans la première, une avocate se retrouve, après la mort de son mari, à la tête d’une société de production de films pornos et se voit obligée de reprendre le flambeau et donc d’évoluer dans le milieu fermé et complexe du X. Surfant un peu sur la même vague, Xanadu suit la vie d’une famille également à la tête d’une entreprise spécialisée dans la pornographie.

Malheureusement, si Hard a eu un petit succès et laisse espérer une suite à ses deux saisons, Xanadu n’a même pas passé la barre des 250 000 téléspectateurs lors de sa diffusion début mai 2011 sur Arte et a de ce fait été annulée quelques mois plus tard par la chaîne.

Ces séries étaient-elles trop novatrices pour le public français ? Elles ne rentrent en effet pas dans les carcans d’une « série policière » de 20h50,  programme maintenant devenue culte et presque traditionnel dans les ménages.

Ou alors sommes-nous toujours confrontés au même problème ? Les networks contre les chaînes câblées, les séries grand public contre les petits bijoux d’innovation, mais de ce fait discriminées par une censure toujours plus forte et une représentation toujours plus fausse de la société (bien qu’ancrée dans les mœurs) et de ce qui plairait le plus à la fameuse ménagère de moins de cinquante ans.

Pourtant, je pense que ça ne déplairait pas à la ménagère de voir de temps en temps le sexe de Michael C. Hall sur sa grande télévision à écran plat.

(« Coucou, tu veux voir… ? »)

Marie T ((Le point de vue développé et les jeux de mots douteux n’engagent que l’auteur.)) – Sciences Po Strasbourg



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